World Rugby profite de ce Tournoi des VI Nations 2024 pour introduire au sein des équipes des protège-dents connectés. Ils aideront les médecins indépendants, présents en bord de terrain durant les matchs, à mieux déceler les chocs qui peuvent entraîner des commotions et ainsi sortir le joueur pour le tester. Mais comment ce dispositif a-t-il été mis en place? Et comment ça marche? RMC Sport vous explique tout.
La mise en route du projet
World Rugby a commencé à travailler sur les protège-dents connectés il y a trois ans, par le biais d’une société américaine (Prevent Biometrics). Cette dernière a été choisie après des tests indépendants pratiques et en laboratoire, qui ont montré que leurs résultats étaient les plus précis. Depuis, l’entreprise a affiné le produit et sa technologie afin d’améliorer “l’ajustement et la taille” (on y revient). Le dernier modèle a été produit en partenariat avec l’un des principaux fabricants de protège-dents (Opro). L’an passé, le protège-dents est devenu un produit utilisable “pour la performance et le bien-être des joueurs” quand la technologie Bluetooth a permis d’envoyer des signaux au bord du terrain pendant un match. Pour tester et vérifier sa fiabilité et sa précision, World Rugby a été accompagné par les universités d’Otago en Nouvelle-Zélande, d’Ulster en Irlande du Nord et de Leeds Beckett en Angleterre. “Nous sommes convaincus qu’il apportera une contribution positive pour le bien-être de tous les joueurs de l’élite” a expliqué l’institution à RMC Sport. Elle a investi plus de deux millions d’euros pour le déploiement du dispositif en 2024.
Comment ça marche?
Les protège-dents utilisent des accéléromètres et des gyroscopes (une technologie qui permet de mesurer les mouvements de rotation), semblables à ceux que l’on trouve dans les smartphones, pour mesurer les accélérations de la tête, qui sont à l’origine des forces subies par chaque joueur. Si les accélérations de la tête dépassent un certain seuil, le protège-dents envoie une alerte Bluetooth au médecin indépendant présent sur le bord du terrain. Le protège-dents de chaque joueur est fabriqué sur mesure à partir d’un scanner dentaire en 3D réalisé au cours des dernières semaines.
Quel est le dispositif, notamment au bord du terrain?
La technologie du protège-dents envoie un signal à une tablette détenue par le médecin indépendant présent en bord terrain si un joueur subit une accélération de la tête supérieure au seuil fixé. Si le médecin reçoit une alerte, il en informe l’arbitre et le joueur en question est sorti pour subir un protocole HIA 1 (couramment appelé protocole commotion). L’évaluation du choc à la tête est ensuite effectuée comme d’habitude en suivant le cadre du protocole. Si un joueur présente des signes ou des symptômes de commotion, il est pris en charge normalement. L’utilisation du protège-dent est “une mesure de protection supplémentaire qui permet d’identifier les événements qui ne sont pas vus par les médecins ou les caméras de télévision”. Mais il ne remplace aucune des étapes actuelles du protocole.
Quels types de données reçoit le corps médical?
Pendant le match, les médecins reçoivent une alerte si les forces dépassent un certain niveau. Et après le match, l’équipe et son staff ont accès à toutes les données concernant les chocs qu’a pu subir un joueur, avec un découpage précis du match, de manière à identifier tous les incidents possibles. Les données ne sont pas seulement accessibles au personnel médical, mais aussi aux entraîneurs, qui peuvent ainsi adapter les temps d’entraînement et de match dans les semaines qui suivent et s’assurer que les joueurs restent en forme et en bonne santé. Elles peuvent également indiquer aux entraîneurs si un joueur a subi des “forces” élevées par rapport à ses coéquipiers ou à des moments particuliers du match.
Quel est l’éventail des décisions que peut prendre le médecin indépendant?
Lorsqu’un médecin recevra une alerte, il en informera l’arbitre qui dira au joueur qu’il a besoin de passer le protocole HIA similaire à celui déjà en place depuis plusieurs années. Si les résultats du joueur pendant le protocole sont positifs, il pourra reprendre le jeu et revenir sur la pelouse. Si les résultats sont négatifs ou si le médecin a des doutes, le joueur ne reviendra. De manière classique, il subira d’autres examens après le match (HIA 2) et après deux nuits de sommeil (HIA 3) pour vérifier s’il a subi une commotion cérébrale.
Quels sont les bénéfices d’un tel dispositif? Est-il impossible de passer à côté d’une commotion?
Cette technologie n’est pas fondamentalement faite pour diagnostiquer les commotions cérébrales mais pour identifier les joueurs qui ont subi des chocs importants. Il est possible de recevoir une alerte sur le protège-dents sans que le joueur soit victime d’une commotion cérébrale. Les instances veulent simplement s’assurer que les joueurs en question vont bien. Du coup, sur la base des données recueillies après des recherches médicales, on s’attend en moyenne à un protocole HIA supplémentaire par match. Les incidents seront mieux détectés.
Ce protège-dent a-t-il déjà été testé en compétition?
Oui. Dans le cadre des recherches médicales, World Rugby dispose de données sur plus de 200 000 cas ciblés en match. 15 % proviennent du rugby amateur en Nouvelle-Zélande, 25 % du rugby féminin (Premiership Women’s Rugby et Coupe du Monde de Rugby 2021 notamment) et 60 % de l’élite masculine des ligues professionnelles et internationales (Super Rugby Pacific, Currie Cup, Farah Palmer Cup entre autres). L’ensemble du rugby international utilisera ce dispositif dorénavant. World Rugby échange également avec les ligues professionnelles, dont le Top 14 pour l’avenir. Le club de Clermont l’a déjà utilisé à l’entraînement depuis longtemps.
Quid des récentes critiques, comme celles de l’arrière de l’équipe de France Thomas Ramos, qui le trouvait trop imposant? Des améliorations ou modifications sont-elles prévues?
“On a un peu de mal à s’y habituer. Ils sont un peu gros. La puce est un peu grosse dans la bouche, mais il faut s’y faire”, avait lâché en conférence de presse lundi Romain Taofifenua. A ses côtés, Thomas Ramos n’avait pas montré plus d’enthousiasme: “Ils sont venus faire des empreintes, mais certains joueurs ont des occlusions, des petits problèmes de dents ou des habitudes. Certains ne jouent même pas avec des protège-dents, d’autres ont le leur, peste Ramos. Certains protège-dents vont jusqu’au fond, d’autres non. Ce sont des détails, mais dans un match, c’est chiant de penser que le protège-dent ne te va pas bien, alors que tu as d’autres choses à faire.”
Officiellement, World Rugby “comprend qu’il s’agit d’un changement important pour certains joueurs et qu’il faudra un peu de temps pour s’y habituer”. L’instance mondiale précise que “les joueurs ne sont pas obligés de porter le protège-dents. Ils ont le choix” et ajoute que “presque tout le monde choisit de le porter”. Il a été demandé à des dentistes qualifiés de scanner et d’ajuster les protège-dents, y compris d’apporter des modifications pour améliorer le confort.
Via RMC Sport