L’ancien trois-quarts centre international Français, Maxime Mermoz s’est confié via Midi Olympique pour évoquer la déroute des Bleus contre l’Irlande.
Ce-dernier estime que les signaux ne sont plus très bons depuis le mois de novembre 2022. Extrait:
Depuis trois ou quatre ans, j’étais très optimiste parce que cette génération est belle et qu’elle nous donne du plaisir. Mais, mon analyse, c’est que depuis la tournée de novembre 2022, il y avait des signes qui montraient que l’équipe de France perdait peu à peu le fil.
Rappelez-vous le match contre l’Australie (victoire 30-29), c’est un exploit de Damian Penaud qui sauve l’équipe. Face à l’Afrique du Sud, il y a des faits de jeu, la victoire est là mais c’était tout juste. Je m’étais demandé à l’époque si nous n’étions pas prêts un peu trop tôt, dans le sens où les autres nations avaient déjà trouvé des réponses pour nous contrer.
Le talent individuel de nos joueurs n’a pas été contré et c’est la raison pour laquelle le XV de France s’en est souvent sorti, mais sur la stratégie ou le collectif, les autres nations ont réussi à s’adapter. Souvenez-vous de l’Italie qui a la balle de match lors du premier match du Tournoi 2023…
Il indique s’être posé des questions avant le Mondial sur le niveau de l’équipe de France. Extrait:
Avant la Coupe du monde, j’avais des interrogations. Je ne retrouvais plus les mêmes principes de jeu, ce même liant collectif. Quand j’étais consultant, j’avais discuté des moins de 20 ans avec une personne de la Fédération proche du terrain – je ne vais pas dire de nom – en mettant en avant les idées intéressantes et la vraie construction collective que prônait le staff U20, et elle m’avait répondu que lorsqu’elle parlait au coach Galthié, il répondait que ça ne fonctionnait que pour les jeunes mais pas au niveau international actuel. Sans rabaisser leurs performances parce qu’ils ont battu les Blacks, ce n’est quand même pas la défense de la Namibie qui vous oblige à construire un jeu. Le sang froid, le talent, la folie et l’optimisme sont présents dans cette équipe, mais le degré de maîtrise dans la construction qu’on vienne me l’expliquer.
S’il concède que le carton rouge n’a pas aidé l’équipe de France, il rappelle que les Bleus ont très vite été dominés dans le match. Extrait:
Le carton rouge a pesé, c’est une évidence. Mais les Français ont très vite été dominés. Sur l’absence de Dupont, j’ai envie de répondre qu’un collectif ne doit pas dépendre que d’un seul joueur. Les Irlandais sont orphelins de Sexton, nous avions peur pour eux, mais ils ont montré une maîtrise collective qui va au-delà des individus. Regardez aussi les Sud-Africains. Ils sont critiqués, mais il faut avouer qu’ils avaient un vrai projet collectif qui allait plus loin que le simple talent de leurs joueurs. Ils se sont adaptés. Le XV de France avait cela. En Australie pour la tournée, les cadres avaient été laissés au repos mais les idées de jeu étaient similaires et les matchs avaient été positifs dans le contenu proposé et agréables à suivre (en 2021, deux défaites, une victoire, N.D.L.R.). Mon sentiment, c’est que plus l’équipe de France s’est rapprochée de l’échéance mondiale, moins elle est restée collective.
Maxime Mermoz se demande réellement quel est le plan de jeu des Bleus. Extrait:
Aujourd’hui, c’est quoi le plan de jeu ? Je me le demande. Quand les mecs font des en-avants sur des longues passes sautées trop hautes, est-ce dû au retard au score et à l’obligation de tenter l’impossible, à l’agressivité de la défense irlandaise ou parce qu’ils sont perdus et ne savent pas comment jouer ? Regardez Thomas Ramos, qui est un cadre. Il a plusieurs fois donné l’impression de ne pas savoir s’il devait relancer ou taper. Il y a cette frustration de vouloir jouer mais aussi un tableau d’affichage rapidement défavorable et l’infériorité numérique. Depuis quelques années, ils nous avaient habitués à partir pied au plancher. Il n’y a pas de panique à avoir, mais il faut avouer que dès que cette équipe a de l’ambition, elle est si facile… C’est donc frustrant.
Il explique en avoir marre d’entendre parler de dépossession. Extrait:
Mais possession, dépossession, il faut surtout arrêter. Un match de rugby ne s’explique pas comme cela. Dans une rencontre, il y a des temps forts où il faut marquer des points, et des temps faibles où il ne faut pas en prendre.
Il y a des principes de base. Donner tout le temps le ballon à l’adversaire mais arriver à défendre en avançant pour contre-attaquer et lui mettre la tête sous l’eau, c’est une chose. C’est ce qui faisait la force de cette équipe. Mais lorsque l’adversaire arrive à conserver le ballon et à imposer ses longues séquences en avançant physiquement, comment inverser la tendance ? Le calcul de possession – dépossession, ça reste de la ‘branlette intellectuelle’, pardonnez-moi l’expression. La question n’est pas de savoir si la France doit avoir le ballon ou pas, elle est de savoir dans quelle zone elle veut amorcer ses séquences et dans quelle zone elle ne veut pas se découvrir. Évidemment que dans son camp, il faut éviter de se mettre en danger, c’est un principe de base. Mais s’il y a un surnombre à jouer, il faut le tenter. Si ça ne marche pas, il y a d’autres options. Ça s’appelle de l’intelligence situationnelle. L’Irlande le fait très bien. Je vais vous dire un truc qui m’a toujours fait marrer. Quand j’étais joueur, on travaillait toute la saison des trucs de malade, on passait notre temps à devenir des ingénieurs du rugby et dès qu’on arrivait en phase finale, il fallait qu’on revienne à l’essence même de notre sport.
Malgré tout, il ne se veut pas trop inquiet à l’approche du match contre l’Ecosse. Extrait:
Je ne suis pas inquiet. L’Écosse est une équipe joueuse mais aussi amoindrie. Elle a des failles en défense, elle a manqué énormément de maîtrise au pays de Galles en seconde période donc je pense que si les joueurs sont sérieux, c’est l’occasion de montrer de belles choses. Après avoir dit ça, le Tournoi est pour moi perdu parce que l’Irlande a une voie royale vers le grand chelem. J’espérais autre chose. Je répète que depuis fin 2022, l’équipe de France s’est perdue peu à peu en termes de construction et de maîtrise. Je ne suis qu’un petit gars qu’on pourra critiquer mais de mon point de vue, les Français ont perdu en consistance.
En cas de troisième défaite consécutive, les Bleus seront-ils en crise ? Il répond par la négative. Extrait:
Une crise je ne pense pas. Regardez les joueurs que l’on a ! Ils n’ont pas été ridicules contre l’Irlande et il n’y a pas péril dans la demeure. Il suffit de les écouter pour se rendre compte que les premiers déçus, ce sont eux. Le talent il est là, il faut juste panser les plaies et ça ne se fait pas en claquant des doigts. Ce qui est certain en revanche, c’est que si défaite il y a en Écosse, il faudra une vraie remise en question. Sincère. Pas entretenir des chimères dans la communication extérieure.