S’il vient de raccrocher les crampons, Sergio Parisse reste dans le monde de l’ovalie. Il est désormais l’entraîneur de la touche à Toulon. Peu sont mieux placés que l’ancien capitaine des Azzurri pour nous parler du renouveau de l’Italie.
Sa carrière de joueur s’est terminée en fanfare avec un ultime titre remporté avec ses coéquipiers de la Rade : la Challenge Cup. Après avoir fait ses débuts avec Trévise puis être passé par le Stade Français, c’est donc une nouvelle vie qui s’offre à Sergio Parisse.
« Ce sont des jours intenses, avec beaucoup de travail, mais c’est quelque chose que j’aime beaucoup et je suis vraiment heureux », explique le quadragénaire. « Pendant votre carrière, la vision du jeu que vous avez est différente et peut-être un peu limitée, tandis que maintenant j’expérimente de l’intérieur de nombreuses situations que je n’imaginais pas, comme les heures de travail et l’organisation des plannings. En tant que joueur, c’est sans doute plus facile, mais en tant qu’entraîneur, vous devez évaluer un million de possibilités. »
Dimanche prochain, l’Italie sera à Lille pour affronter la France dans un match entre deux nations qui ont joué un rôle majeur dans l’histoire de Sergio Parisse.
« Je n’y serai pas parce que nous jouons samedi à Pau avec Toulon et dimanche, je travaille avec ITV. J’étais déjà avec eux lors de la dernière Coupe du monde et c’est quelque chose que j’ai aimé faire. J’ai retrouvé beaucoup d’anciens joueurs que j’ai affrontés comme Brian O’Driscoll, Jonny Wilkinson, Jamie Roberts, Sam Warburton, Rory Best. J’ai appris à mieux les connaître en dehors des terrains. »
C’est une Italie en pleine mutation qui se présentera contre la France le week-end prochain. Une équipe qui s’est bien comportée contre l’Angleterre, mais qui n’a jamais trouvé son rythme face à l’Irlande.
« Après le match contre l’Irlande, l’Italie ne doit pas penser au jeu que la France mettra en place, ni aux difficultés qu’elle rencontrera, mais plutôt à ce qu’elle pourra faire et contrôler. Après le match de Dublin, tout le monde était d’accord pour dire qu’il y avait beaucoup de domaines dans lesquels nous devions nous améliorer. Notamment la possession de balle, certaines touches étaient inexactes, et la mêlée a parfois souffert. »
« Il faut dire qu’ils jouaient contre la meilleure équipe – ou l’une des meilleures équipes – du monde. Il fallait s’attendre à un match très difficile. Puis, au-delà du résultat, nous devons repenser à la performance qui n’était pas à la hauteur. Je pense que les garçons en sont les premiers conscients, qu’ils voudront se racheter et montrer le vrai visage de l’Italie. »
La France n’arrive pas non plus en pleine confiance pour ce match. La victoire contre l’Écosse n’a pas été brillante, et après la défaite contre l’Irlande à Marseille, beaucoup de critiques ont visé le management de Fabien Galthié. Tout cela est à mettre en perspective avec leur élimination précoce en Coupe du monde, qui semble être un facteur expliquant le manque de punch des Bleus.
« C’est un peu un classique du rugby français : lorsque vous gagnez, tout va bien, lorsque les choses ne vont pas bien, vous commencez immédiatement à critiquer l’entraîneur et le staff, signale Sergio Parisse. Il faut se souvenir que c’est le premier tournoi sans un joueur charismatique comme le capitaine des Bleus, Antoine Dupont. C’est peut-être le meilleur joueur du monde, celui qui peut faire la différence. »
« Jouer contre l’Irlande en premier n’était pas facile. Ils étaient en difficulté et le carton rouge n’a fait qu’aggraver les choses. Après un mauvais match d’ouverture dans le Six Nations et une Coupe du monde décevante, c’est normal qu’il y ait un peu de pression sur le staff, qui a aussi en partie été renouvelé. Ça fait partie du jeu. Fabien Galthié a toutefois été conforté dans son rôle de sélectionneur jusqu’à la prochaine Coupe du monde, il va lui falloir du temps pour trouver la bonne formule. »
Grégory Alldritt, l’un des autres hommes forts du XV de France, joue le même poste que la légende italienne, Sergio Parisse. Blessé lors du match contre l’Écosse, le troisième ligne centre sera absent contre l’Italie. L’ancien numéro huit du Stade Français et de Toulon évoque les joueurs susceptibles de le remplacer.
« Alldritt a montré une grande régularité, qui selon moi est la marque des grands champions. Ce n’est peut-être pas un joueur tape-à-l’œil ou spectaculaire, mais il fait toujours son travail. Il est besogneux et s’il a été nommé capitaine – pour prendre la relève d’Antoine Dupont – cela signifie qu’il a certainement un fort leadership et un certain poids dans le vestiaire. »
« Parmi les alternatives, on pourrait citer Charles Ollivon, que je connais très bien pour avoir joué avec lui, et que je coache maintenant à Toulon. Après la sortie de Grégory Alldritt à Édimbourg, il a pris le relais en tant que capitaine. Il a déjà joué à ce poste par le passé, peut-être plus que Cros, qui n’est pas un vrai spécialiste. Je considérerais également le Toulousain Alexandre Roumat. S’il a été utilisé en deuxième ligne contre l’Écosse, avec le Stade il joue en huit et fait partie des meilleurs du Top 14. Il est aussi très bon en touche. Et puis je n’oublierais pas non plus Esteban Abadie, un autre joueur de Toulon que je connais bien et qui pourrait saisir sa chance de la meilleure des manières. »
De son côté, l’Italie se trouve démunie de deux de ses troisièmes lignes titulaires avec les blessures de Sebastian Negri et de Lorenzo Cannone. On pourrait donc assister au repositionnement de Michele Lamaro au poste de numéro huit. Le joueur du Benetton Trévise a d’ailleurs pris la relève de Sergio Parrisse en tant que capitaine de la sélection nationale.
« Ne le connaissant pas bien et n’ayant pas fait partie de ce groupe, je ne pense pas qu’il soit juste de commenter son leadership. Je ne peux pas parler de son charisme, mais tout le monde me l’a décrit comme un très bon joueur, un bon gars et je vois qu’il s’agit de quelqu’un d’engagé, qui donne toujours tout et qui essaie de motiver ses coéquipiers. En général, la troisième ligne italienne est un point fort, et nous verrons bien les choix que fera Quesada. Les blessures peuvent également ouvrir des opportunités pour des nouveaux joueurs prometteurs. »
« Il ne faut pas oublier que c’est un groupe jeune qui a encore beaucoup à prouver. (…) Maintenant, il y a de bons joueurs, de qualité, mais il leur reste encore beaucoup à apprendre. Dans l’analyse et dans l’approche, nous devons également être prudents et ne pas les encenser trop tôt. »
Les rencontres entre l’Italie et la France sont un derby pour Sergio Parisse, 142 sélections en équipe nationale et la quasi-totalité de sa carrière de joueur passée en France.
« Ça a toujours un défi particulier pour moi. J’ai trop souvent essuyé des revers face à la France, mais heureusement j’ai aussi réussi à obtenir des satisfactions, comme les victoires de 2011 et 2013. Ces matches sont toujours intenses et beaux. Nous avons failli gagner à Paris, mais nous avons perdu de justesse. J’ai tenté un drop à la fin. En France, il y a toujours beaucoup de passion pour ce duel. C’est une histoire riche, pour eux aussi, c’est un match différent des autres. La France aborde la rencontre en sachant très bien qu’elle est favorite, mais de temps en temps, c’est bien pour nous de nous retrouver dans le vestiaire et de célébrer la victoire. »
Il existe un lien particulier entre Sergio Parisse et le nouvel entraîneur de l’Italie, Gonzalo Quesada, puisque tous deux sont originaires d’Argentine, ce lien se renforce encore lorsque l’on se souvient que Quesada a été l’entraîneur de Parisse au Stade français.
Le néo-retraité se rappelle d’un Quesada « extrêmement sérieux et professionnel » lors de son passage au Stade. « Il a une grande volonté de se rendre disponible et de s’impliquer. Il vient de prendre ses fonctions, mais petit à petit il va s’imprégner de tout : la Fédération, le staff, les joueurs. J’ai vu quelques matchs de la Coupe du monde avec lui et même à ce moment-là, il parlait italien, ce qui peut paraître anodin pour certains, mais je considère que c’est très important. C’est une preuve de reconnaissance et de respect pour l’équipe nationale. »
« Son jeu s’adapte bien au style emprunté par l’Italie, qui dispose désormais d’arrières de grande valeur comme Tommaso Menoncello, Ignacio Brex, Paolo Garbisi et Monty Ioane, ce qui permet de développer un style moins dépendant des avants qu’il ne l’était traditionnellement. Je pense que Gonzalo commence à travailler sur certains aspects tactiques qui sont déjà visibles, comme le jeu au pied et l’occupation territoriale. »
« Mais c’est un entraîneur qui ne cherche pas d’excuses et qui se remet d’abord en question. Je suis convaincu qu’il est la bonne personne pour ce groupe. Lorsque nous nous sommes parlé, je lui ai dit qu’il prenait en main une équipe avec beaucoup de potentiel et qu’il aurait des joueurs, de 26 à 29 ans, qui arriveraient à la prochaine Coupe du Monde en pleine période de maturation, avec de nombreux matchs internationaux derrière eux et avec une équipe très compétitive, capable de remporter plusieurs matchs. »
Depuis que Sergio Parisse a entamé sa nouvelle vie d’entraîneur, une question se pose forcément. Se voit-il un jour dans un maillot de la Squadra Azzurra ? « Je ne me suis pas fixé cet objectif », répond-il. « J’ai emprunté cette voie avec humilité, mais aussi avec beaucoup de détermination et de motivation. J’espère un jour être un grand entraîneur, tout en étant conscient que je dois faire mes preuves, et j’espère être à la tête d’une équipe nationale. »