L’US Oyonnax est actuellement dernière du Top 14 avec sept points de retard sur le 13ème : Montpellier.
Malgré ce gros retard sur le MHR, le manager de l’USO, Joe El Abd refuse de se montrer fataliste.
Interrogé via L’équipe, ce-dernier explique pourquoi il est encore confiant. Extrait:
En arrivant de Pro D2, on savait qu’on se retrouverait dans cette situation, on l’avait anticipé dans notre recrutement et nos ambitions. Dès le départ les gars ont intégré qu’il faudrait se battre pour rester en Top 14. C’est différent des équipes qui se retrouvent en bas de tableau mais ne s’y attendaient pas. Nous, on est en mode survie depuis le début, même si cette dernière place, on ne l’a occupée qu’à la quatorzième journée. On n’est pas condamnés : il nous reste dix matches, dont six à domicile. On va les jouer à fond. Les gars ont faim. Ils ont bossé dur pour jouer dans le meilleur Championnat du monde et veulent que ça continue.
L’idée est de ne pas subir mentalement, d’apprécier chaque instant. On se bat et ça parle à nos supporters qui, eux, ont leurs propres défis dans leur vie. On veut les inspirer avec notre pugnacité, continuer d’exister. Nous, issus d’une ville de 22 000 habitants avec le plus petit budget (près de 17 millions d’euros annuels). L’argent, ça permet de recruter des talents mais ça entame parfois la cohésion.
Pour rester en forme, il indique continuer à faire du sport tous les matins. Extrait:
Tous les matins, à 5 heures, je fais 30 minutes de vélo. En pédalant, j’écoute des podcasts ou des audiobooks. Par exemple De la performance à l’excellence, de Jim Collins, du développement personnel. Ça peut être de la science-fiction, comme La Toile du temps d’Adrian Tchaikovski. Mon fils de 13 ans ne comprend pas : “Papa, pourquoi tu lis des livres ?” J’adore apprendre. C’est important quand on aime transmettre. À 7 heures je suis au club. On se réunit avec les coaches, le staff médical, préparateurs physiques et analystes vidéo pour débriefer les énergies de la veille, faire un point sur les joueurs qu’on retrouve à 8 h 30. Certains ont besoin d’une tape sur l’épaule, d’autres qu’on les laisse tranquilles. Entre les entraînements, les conversations avec chacun, le temps de relever la tête, souvent il est déjà 19 heures.
Il refuse de dire qu’une équipe sans star est forcément plus facile à gérer qu’une équipe avec des stars. Il prend l’exemple de Jonny Wilkinson à Toulon. Extrait:
Jonny Wilkinson était une star mais n’a jamais été un problème à Toulon (l’Anglais y a joué de 2009 à 2014), au contraire. Ce sont les personnalités et les humeurs qui rendent le management complexe. On a tous nos fluctuations. Être Anglo-Égyptien, vivre en France depuis quinze ans, m’aide à capter les nuances entre les êtres. Mon job est de créer un environnement fertile, que les idées émergent. Impulser, c’est jongler entre ambition et humilité. “Ai-je aidé quelqu’un à être meilleur aujourd’hui ?”, voilà la question que je me pose tous les soirs.
Dans la foulée, il explique pourquoi il veut toujours positiver auprès de ses joueurs malgré certaines défaites très frustrantes. Extrait:
Victoire ou défaite, on est fidèles au Kaïzen, un principe japonais qui prône une amélioration constante par une multitude de petits ajustements. On essaye d’encourager chacun à être force de proposition, créateur de solutions. Avant le match à Toulouse (défaite 61-34, le 17 février), Victor Lebas (deuxième-ligne) est venu nous suggérer une combinaison en touche. Elle a abouti à un essai face à Toulouse (Teddy Durand, 54e). Je connais le rugby, les treize personnes de notre staff et les joueurs aussi. Ce capital commun doit s’agréger.
On peut y arriver. Si Oyonnax se maintient, ce sera fantastique, presque inespéré. Quoi qu’il arrive le club perdurera. En début de saison on a dit aux joueurs : “Notre boulot c’est de créer de bons souvenirs aux gens”, “Soyez dingues ! Je serai le plus fou de tous, je danserai au milieu de vous.” On peut créer un truc fantastique. Les gens d’ici nous disent : “Continuez à vous battre, ça va payer !”
Pour conclure, Joe El Abd évoque la pression qui pèse sur ses épaules. Extrait:
La pression, c’est un même mot qui recouvre des réalités très différentes. À Castres (entraîneur des avants de 2015 à 2019, champion de France en 2018), il fallait qu’on se qualifie dans le top 6. À Toulon, c’était d’être champions (il a été demi-finaliste en 2010). Pierre porte l’histoire de son club, Ronan celle d’un palmarès. Nous, c’est de ne pas redescendre. L’an passé, c’était l’accession en Top 14. Le truc c’est comment on gère la pression. Je me dis en permanence : “Qu’est-ce que je peux faire de mieux ?” Je tiens un carnet personnel, dans lequel je n’élude rien : “Là, je n’ai pas été bon dans cette conversation”, par exemple. À Oyonnax, une certitude, on donne tout de nous-mêmes.