Le troisième ligne du XV de France, François Cros s’est longuement confié via L’équipe pour évoquer la période délicate traversée par les Bleus.
Ce-dernier est notamment revenu sur le match nul concédé contre l’Italie. Extrait:
« Le résultat a été difficile à encaisser. Heureusement, Garbisi loupe la dernière pénalité, sinon le résultat aurait été encore plus dramatique. Nous traversons une situation inédite, je n’ai jamais connu ça en équipe de France. Mais il faut continuer d’avancer, relever la tête. Place désormais au pays de Galles. Nous allons passer au révélateur du combat et du jeu. »
Dans la foulée, le joueur Toulousain évoque son profil de jeu, lui qui indique ne pas avoir un gabarit très imposant. Extrait:
« Je n’ai pas un gabarit très imposant (1,90 m, 111 kg). J’ai beaucoup travaillé pour me construire physiquement et répondre aux attentes du haut niveau. J’ai vite compris que ma force serait d’être complet. Certains partenaires ont des super-pouvoirs, sur le plan offensif ou défensif, sur le jeu au sol ou le domaine aérien. Je n’ai pas cette chance (il sourit). J’essaie d’être à mon maximum dans chacun de ces secteurs de jeu. Je prends autant de plaisir à faire un ruck qu’à porter un ballon ou à faire une touche qu’à plaquer.
Mais ça ne veut pas dire que je travaille plus que les autres. Mon principal objectif est de répondre aux besoins de mon équipe ! Mon côté hybride a toujours été un avantage plus qu’un inconvénient. Ma polyvalence en troisième ligne m’a permis de beaucoup jouer. C’est aussi une façon de relever de nouveaux challenges. J’aime jouer, peu importe le numéro dans le dos ! C’est également lié à mon parcours atypique… J’ai débuté derrière puis, en minimes, j’ai basculé devant. J’ai été formé au poste de numéro 8. La chance au poste de troisième-ligne est de pouvoir avoir une multitude de profils différents. Ce qui me permet de trouver ma place. Depuis mes débuts en pros (2016), j’ai plus l’habitude de jouer troisième-ligne aile, mais je n’ai pas de préférence, même si je dois reconnaître que ce poste me correspond mieux par rapport à mon tempérament et mon caractère. »
Il explique être un joueur très perfectionniste et donc souvent mécontent de ses prestations. Extrait:
« Les joueurs sont plus mis en avant quand ils portent un ballon ou font une action spectaculaire. À l’inverse, tout le travail au sol ou de soutien, de l’ombre, est moins mis en valeur et plus difficile à percevoir. Raison pour laquelle j’analyse mes prestations à la vidéo. Et je suis rarement satisfait. Je suis très perfectionniste. Mon état d’esprit est qu’il y a toujours matière à s’améliorer. Ce qui me plaît aussi dans les tâches invisibles, c’est qu’elles permettent aux autres joueurs d’être efficaces et performants.
Si un partenaire marque, c’est notamment parce qu’il a reçu le ballon dans de bonnes conditions, grâce à ce travail de l’ombre. J’y prends plaisir. On me l’a enseigné dès l’école de rugby. À savoir : faire marquer est presque plus gratifiant que de marquer soi-même. Ce sont des valeurs qui m’ont suivi, et qui correspondent à mon environnement familial. Cet état d’esprit m’a sans doute guidé pour exister au plus haut niveau. J’ai ainsi trouvé de l’intérêt à faire ces tâches obscures qui sont indispensables au rugby. Être un joueur efficace plutôt que spectaculaire correspond à ma personnalité. Je n’ai aucune frustration, aucun problème de reconnaissance. Jouer est ma récompense. »
Il indique également beaucoup travailler son intelligence de jeu afin d’éviter de perdre de l’énergie stupidement. Extrait:
« Être intelligent, ça se travaille aussi ! Il y a beaucoup d’analyse, pour ne pas perdre d’énergie dans des déplacements inutiles. Mais se déplacer reste capital. Plus tu te déplaces, plus tu as de chances d’être au bon endroit au bon moment. On m’a appris à être collé au ballon. La base est de bien comprendre le système de jeu proposé par le staff. C’est aussi une question d’anticipation pour être vite replacé et déjà tourné vers l’action suivante. Ça devient petit à petit une question d’habitude, de repères collectifs.
Dès que vous êtes dans le dur physiquement, en manque de lucidité, les automatismes créés aux entraînements nous permettent de garder une certaine cohérence. Je parlais d’anticipation, mais l’adaptabilité est aussi primordiale. Nous pratiquons un sport où il est difficile de tout prévoir, notamment pour nous, Français. Nous n’aimons pas trop ça (il se marre). Notre jeu est fait de libertés. Il est donc important de bien lever la tête et d’être capable d’analyser une situation en une fraction de seconde. À force de regarder tous les matches, je connais les points forts et les points faibles de beaucoup de joueurs, ce qui me permet d’affiner mon placement. Une dernière chose que les gens ne perçoivent peut-être pas consiste à utiliser le temps non joué. Il sert à communiquer avec ses partenaires et régler certains détails. »
Pour conclure, François Cros parle de son habitude de plaquer toujours très bas ses adversaires. Extrait:
« Dès mon plus jeune âge, j’ai commencé à plaquer très bas. C’était lié à mon profil, mon physique. En plaquant haut, je subissais. J’ai réussi à trouver une technique efficace liée à mon gabarit. Ensuite, au fur et à mesure que je me suis étoffé physiquement, j’ai étoffé dans le même temps ma palette de plaquages. Il existe une multitude de techniques. Il n’est pas aisé de toutes les maîtriser pour adapter son plaquage à chaque situation rencontrée en match. C’est ça le plus difficile.
C’est lié au gabarit de l’adversaire, sa vitesse, l’espace dont il dispose, mais également les partenaires qui sont autour de vous. Si j’ai Peato (Mauvaka) ou Julien (Marchand) qui sont des super contesteurs, le meilleur plaquage, aux jambes, est celui qui va vite amener l’adversaire au sol pour offrir une possibilité de contest. À l’inverse, si l’adversaire est en situation de surnombre, il faut empêcher le offload, dans ce cas, il faut plaquer haut.
Pour plaquer, il faut aussi se servir de sa tête, pas seulement plaquer fort. Il y a de nombreux paramètres qui entrent en compte, comme la zone du terrain. Mais parfois, ça va tellement vite que vous n’avez pas le temps de réfléchir. Plaquer bas reste la solution de secours la plus efficace. J’ai beaucoup travaillé le plaquage à l’école de rugby pour ne pas avoir d’appréhension et avoir la bonne technique, sans se mettre en danger et en limitant au maximum le risque d’être pénalisé. »