L’arbitre Français Thomas Charabas s’est longuement confié via Sud Radio.
Ce-dernier a notamment parlé des changements de règles dans le rugby qui se font chaque saison et qui agacent certains.
Il a également évoqué la différence d’arbitrage qui peut être perceptible entre le Top 14 et la Champions Cup.
A lire ci-dessous :
Ce weekend, vous avez arbitré en Challenge Cup. Y’a-t-il une réelle différence d’arbitrage entre le Top 14 et la Champions/Challenge Cup ?
T.C : “Il faut voir plusieurs choses. Vous avez les meilleures équipes françaises qui jouent, avec éventuellement une façon de jouer et une pression qui n’est pas la même qu’en Top 14. Concernant l’arbitrage, il y a une sélection des meilleurs arbitres de chaque pays. Donc naturellement le niveau est meilleur. Après il y a des arbitres de Challenge Cup qui ne feraient pas partie des meilleurs arbitres français s’ils évoluaient en Top 14.”
Est-ce qu’il y a des directives différentes entre les compétitions ?
“Théoriquement on essaie de coller de plus en plus à ce qui est demandé par World Rugby, et donc par l’EPCR en Champions Cup. Par exemple, les directives sur les plaqueurs, on les applique de la même manière. Je n’ai pas l’impression qu’on soit plus laxiste ou plus rigoureux. La différence vient de la façon dont les équipes utilisent le ballon. J’ai la sensation que les équipes jouent davantage en Champions Cup. Quand je siffle une pénalité, elles sont déjà prêtes à aller en touche etc. Il y a plus de rythme que si c’était une opposition entre deux équipes du Top 14 qui se battent pour ne pas perdre de points.”
On sait que les règles évoluent constamment. Récemment, World Rugby a annoncé l’arrivée de nouvelles lois : disparition de la “loi Dupont”, carton rouge de 20 minutes, interdiction de la prise “crocodile” entre autres. Est-ce qu’on touche trop aux règles ?
“Nous les arbitres sommes assez peu sollicités, hormis quelques arbitres faisant partie d’un groupe de réflexion pour évaluer ça. On est un peu comme la police et la justice. On nous écrit des lois et on nous demande de les appliquer, sans avoir notre mot à dire. Sur des changements de règles purs, en tant qu’arbitre on est aussi mis dans l’inconfort. En parallèle, World Rugby essaie de rendre les règles plus accessibles et plus lisibles pour les gens. C’est-à-dire qu’ils ont pris le livre des règles, et ils ont épuré pleins de lignes pour que ce soit plus compréhensible à lire pour le grand public. Paradoxalement pour les arbitres, ça nous complexifie la tâche parce qu’en enlevant des morceaux de règles, on se retrouve en difficulté pour justifier une décision.”
Vous avez un exemple à donner ?
T.C : “Le weekend dernier, j’étais à Perpignan (pour arbitrer le match contre Castres). Il y a un coup de renvoi d’en-but qui va directement en touche. Un truc qui n’arrive jamais. Plusieurs options s’offrent à l’équipe qui récupère la possession, comme la mêlée. J’ai mis deux jours à trouver dans la règle où était écrit l’endroit précis où jouer la mêlée. Il s’avère que c’est au milieu des poteaux à cinq mètres de l’en-but. Sauf qu’historiquement, c’était très clairement écrit. C’est technique, mais pour nous arbitres, ça nous met en difficulté.”
L’exemple du “petit train” derrière les rucks est-il un cas concret de règle qui pourrait être améliorer ?
T.C : “On nous incite à dire “jouez-le” plus rapidement pour dynamiser. Mais mettez-vous à notre place. Ce weekend, j’ai arbitré Ospreys-Sale avec Mathieu Raynal. On a 2 mêlées sur 12 qui se sont jouées. Quand vous savez que vos mêlées se passent mal et finissent toutes par terre, est-ce que vous avez vraiment envie de siffler quand un relayeur met plus de six secondes à sortir le ballon du ruck ? Derrière, on va repartir sur une mêlée, qui va probablement tomber. Donc on est tiraillé nous aussi entre laisser jouer et siffler. On essaie de ménager la chèvre et le choux et on fait au mieux pour contenter tout le monde.”
Le problème ne vient-il pas de l’interprétation faite par les arbitres des règles du jeu ?
T.C : “Notre travail, c’est aussi de trier. Si à la prochaine journée de championnat, je commence à siffler absolument tout ce que je vois, ça va être compliqué pour les gens qui regardent le match de tenir plus de 10 minutes devant leur télévision. Trier, ce n’est pas laisser faire. Je vois une faute, je décide qu’elle n’a pas d’incidence sur le jeu, donc je ne donne même pas d’avantage. Globalement, quand les joueurs se font des passes, il n’y a pas de fautes. Par contre dans les situations au sol, il y a à boire et à manger. Je suis obligé de trier. Donc forcément il y a de l’interprétation, qui entraîne parfois de l’incompréhension, on le sait. On essaie de le limiter, mais on est tous humains.”