Lorsque le 29 juin Rabah Slimani confirme via un post Instagram qu’il quitte Clermont après sept saisons, cette annonce fait l’effet d’une déflagration. Non seulement à 34 ans le pilier droit international aux 57 sélections montre qu’il en a encore dans le haut du corps, mais il est aussi le premier Français à jouer au Leinster, la province irlandaise trois fois vaincue en finale de la champions Cup contre deux clubs français (La Rochelle et Toulouse).
Slimani a repris l’entraînement à Dublin dans les derniers jours de juillet, soit une semaine après l’ASM. Les deux clubs se retrouveront face à face lors d’un match de poule de Champions Cup le 14 décembre 2024 à Dublin.
Depuis cette annonce, Slimani ne s’est jamais étendu sur les modalités de ce transfert que personne n’avait vu venir. Ni lui-même d’ailleurs. Mais lorsque Matthieu Bastareaud, son ancien compagnon de chambrée au Stade Français et en équipe de France, l’a interrogé sur le sujet pour RugbyPass, Rabah ne s’est pas défilé et a raconté pour la première fois ses vraies motivations et les dessous de cette affaire qui a pris tout le monde de court.
Il était écrit qu’il devait arrêter sa carrière de joueur
« Ça a été très vite pour moi, ce n’était pas prévu », raconte-t-il dans un entretien exclusif diffusé dans le BastaShow sur RugbyPass TV. « J’avais un contrat d’entraineur qui courait avec Clermont pour la saison prochaine, que j’avais signé à l’époque avec Jono Gibbes (alors entraîneur de Clermont jusqu’au 16 janvier 2023, ndlr). J’avais déjà préparé ma reconversion.
Il m’avait proposé de remplacer à l’époque Davit Zirakashvili (ancien pilier du club reconverti consultant à la mêlée, ndlr) qui devait arrêter (avant la fin de la saison 2022-2023, ndlr). Tout était un peu lancé.
Mais Jono Gibbes a été remplacé par Christophe Urios qui est arrivé (le 18 janvier 2023, ndlr). Avec moi ça s’est très bien passé. Il était très content de ma fin de saison et il m’a motivé en me disant que j’étais encore jeune, que je n’avais pas eu de blessure… Et il m’a demandé si j’étais vraiment sûr de vouloir arrêter maintenant car si tel était le cas, je ne pouvais pas faire machine arrière.
Forcément, dans un coin de ma tête je me disais que j’étais content d’avoir retrouvé un peu l’envie de jouer après une période compliquée. Et que quelqu’un me dise ‘est-ce que tu es sûr de vouloir arrêter parce que pour moi tu peux continuer’, forcément ça m’a motivé. Il me dit : je te laisse les vacances, la pré-saison et tu me dis comment tu te sens.
Pendant la pré-saison, j’ai eu un entretien avec lui et je lui ai dit que j’étais partant pour faire une saison de plus. Sauf qu’après, j’ai attendu une saison entière avant d’avoir quelque chose… »
Clermont ne lui a rien proposé
Cette saison-là, la 2023-2024, Rabah Slimani n’a jamais autant joué. 26 matchs en Top 14 (titulaire sur 20), un record dans toute sa carrière. 1 311 minutes jouées.
« Je pense qu’il n’était pas prévu que je joue autant », reconnaît-il pourtant. « Il devait y avoir l’arrivée de Mohamed Haouas qui ne s’est pas faite (condamné à un an de prison ferme pour violences conjugales, il a été licencié avant d’arriver, ndlr).
On s’est retrouvé avec deux joueurs expérimentés – Cristian Ojovan et moi – et les jeunes Henzo Kiteau et Giorgi Dzmanashvili. Je ne pensais pas jouer autant. T’arrives à 34 ans, tu te dis que tu vas jouer quelques matchs seulement…
Je marche beaucoup à la confiance et ils me faisaient confiance, ils me le montraient. J’avais encore envie de jouer et j’attendais toujours. J’ai une famille, des gens à la maison qui attendent de savoir ce qu’on fait : est-ce que je continue ou pas. Est-ce que je devais arrêter le rugby ou pas ? Dans ma tête, je ne me voyais pas arrêter le rugby dans trois mois tellement j’avais repris goût à la compétition. »
Slimani affirme n’avoir jamais craint la concurrence à son poste et anticipait déjà un autre rôle, axé sur la transmission, en lien avec ce que lui avait fait miroiter Jono Gibbes. « J’avais une autre optique ; continuer à jouer et apporter mon expérience aux plus jeunes qui montent. C’était surtout ça mon objectif », confirme-t-il.
Et puis rien. « Quand t’attends, tu sais pas, tu vois tous les copains signer ou pas et toi tu attends, tu sais pas… Mais on a une famille derrière », poursuit-il, dépité.
Dès lors, les agents ont commencé leur job, à lancer des pistes tous azimuts pour voir où ça prendrait. Une piste est d’ailleurs secrètement envisagée à Toulon où il pourrait retrouver Bastareaud dont le fils a comme parrain… Rabah Slimani.
La piste s’effondre et traverse la Manche. « Quand les agents parlent à d’autres clubs et qu’il y a des réponses positives, déjà c’est flatteur. Mais j’avais toujours cet espoir de continuer avec Clemont », dit Slimani, qui a été champion de France en 2015 avec le Stade Français avant de rejoindre l’Auvergne en 2017.
« Des clubs se sont intéressés et le Leinster est arrivé au dernier moment. Eux-mêmes ont été surpris de me voir sur le marché. Avec leur pilier droit Michael Ala’alatoa qui va à Clermont (il l’avait confirmé à l’automne 2023, ndlr), la question du coach que j’ai eu c’est : pourquoi ils le prennent lui et pas moi ?
Mais là où c’est devenu vraiment réel, c’est quand j’ai reçu un message WhatsApp avec une visio prévue un mardi avec Leo Cullen (entraîneur en chef du Leinster, ndlr). J’ai paniqué car quand un club comme ça s’intéresse à toi… et qu’en plus ils veulent te parler, tu parles anglais… »
Leo Cullen confirmera le 15 juillet et déclarera : « Nous sommes ravis que Rabah ait décidé de nous rejoindre. C’est un joueur que nous admirons depuis longtemps et qui possède une grande expérience au plus haut niveau que ce soit en Top 14, au niveau européen et international. Nous pensons qu’il sera un excellent complément au groupe, non seulement en apportant de la concurrence à l’équipe première, mais aussi en aidant certains de nos jeunes joueurs de première ligne à apprendre et à se développer. »
Bref, tout ce que Slimani attendait de Clermont et que Clermont ne lui a pas proposé.
« Je pense que c’est une très belle opportunité avec une expérience incroyable. A 34 ans, qu’un club comme ça s’intéresse à toi, je me dis qu’ils n’ont pas juste tiré mon nom du chapeau. Ils savent ce qu’ils font, ils connaissent le rugby. S’ils sont venus me chercher, ce n’est pas pour rien », dit celui qui va devoir développer encore plus son anglais et comprendre l’accent irlandais.
Déjà j’ai quitté Paris pour aller à Clermont. Je suis en partie devenu auvergnat et pas une pince. Les gens m’ont accueilli comme si c’était chez moi et je leur en suis très reconnaissant. Je sais m’adapter et je sais que je vais pouvoir m’adapter et réussir à m’adapter. »
Via Rugby Pass