La Fédération française de rugby a rendu jeudi les conclusions de l’enquête interne qu’elle a menée à la suite de la disparition de Medhi Narjissi début août. Dans son communiqué à charge contre le staff de l’équipe de France U18, l’instance indique qu’elle va solliciter le ministère des Sports.
C’est un rapport accablant pour les encadrants de l’équipe de France U18. La Fédération française de rugby a communiqué, jeudi, les conclusions de son enquête interne, ouverte quelques heures après la disparition de Medhi Narjissi le 7 août.
Le jeune joueur du Stade Toulousain était en déplacement en Afrique du Sud pour disputer l’International Series avec l’équipe de France masculine des moins de 18 ans. Il a été emporté par l’océan alors qu’il effectuait une séance de récupération avec ses coéquipiers sur la plage de Dias Beach. Son corps n’a toujours pas été retrouvé.
“La décision d’organiser une séance dans l’eau sur la plage de Dias Beach a été prise sans considérer la dangerosité du site” et “une fois sur place, les panneaux d’avertissement sur la dangerosité du site n’auraient pas été pris en compte, ce qui apparaît particulièrement critiquable au vu des conséquences dramatiques qui en ont résulté”, pointe la fédération dans un communiqué livrant les conclusions de son enquête interne menée en Afrique du Sud et en France après le retour de la délégation.
Les risques ont pu être perçus “en amont de la séance”
Tous les membres du staff présents sur place ainsi que quelques joueurs ont été entendus. La FFR révèle par ailleurs que “les risques liés à la plage Dias Beach ont pu être perçus au moins par un conseiller technique sportif, en amont de la séance”, sans conduire à son annulation, et “s’interroge sur le fait de savoir si une tentative de porter secours à Medhi Narjissi à l’aide de la bouée de sauvetage à disposition aurait pu être envisagée ou si les membres de l’encadrement auraient pu entreprendre directement une quelconque action de secours”. Si ce n’est pas le cas, “cette circonstance semble confirmer que les conditions en mer étaient particulièrement dangereuses“, assène l’instance.
La Fédération française de rugby indique aussi qu’elle va solliciter le ministère des Sports “pour qu’il mette fin, sans préavis, aux affectations auprès de lui, des conseillers techniques sportifs en responsabilité lors de ce déplacement” et sur lesquels le ministère exerce le pouvoir hiérarchique et disciplinaire. Elle assure également qu’elle prendra des mesures à l’encontre des autres membres du staff, “quel que soit leur statut”, et que des analyses et des réflexions seront menées – certaines conjointement avec le ministère des Sports – pour ne pas qu’un tel drame se reproduise (conditions d’encadrement, désignation du staff, maîtrise de procédures d’urgence…).
“Il n’y a pas besoin d’être diplômé pour voir le danger de cet endroit. Ils étaient douze dans le staff à cautionner cela, à ne pas intervenir…“, avait pour sa part déploré le père de Medhi Narjissi au micro de RMC Sport.
Depuis la reprise de la saison, plusieurs hommages ont été rendus au Toulousain de 17 ans.
Voici le communiqué officiel publié par la FFR :
Le 7 août 2024, Medhi Narjissi, joueur du Stade toulousain en déplacement en Afrique du Sud pour disputer l’International Series avec l’équipe de France masculine des moins de 18 ans, était porté disparu, emporté par l’océan, alors que ses coéquipiers et lui effectuaient une séance de récupération organisée par l’encadrement de l’équipe sur la plage de Dias Beach, au cap de Bonne Espérance.
La Fédération Française de Rugby a, dans les heures qui ont suivi ce drame, lancé une enquête interne, afin de déterminer les causes de cette tragédie. Cette enquête, menée en Afrique du Sud et poursuivie au retour de la délégation en France, est aujourd’hui terminée.
Tous les membres du staff présents sur place ainsi que quelques joueurs ont été entendus afin de recueillir leurs témoignages.
Il ressort des premières informations portées à la connaissance de la Fédération Française de Rugby, les points suivants :
- La décision d’organiser une séance de récupération dans l’eau sur la plage de Dias Beach a été prise sans considérer la dangerosité du site, en particulier celle liée aux « rip currents » (courants d’arrachement), aux vagues et aux rochers.
- La FFR s’interroge en outre sur le processus décisionnel ayant conduit à la tenue de cette séance, alors que les risques liés à la plage de Dias Beach ont pu être perçus au moins par un conseiller technique sportif, en amont de la séance, sans pour autant l’avoir annulée.
- Une fois sur place, les panneaux d’avertissement sur la dangerosité du site n’auraient pas été pris en compte, ce qui apparaît particulièrement critiquable au vu des conséquences dramatiques qui en ont résulté.
- La FFR observe que le déroulement et l’encadrement de la séance semblent avoir été mal maîtrisés, faute notamment de consignes claires d’encadrement données aux membres du staff et aux joueurs.
- La FFR s’interroge également quant à la description qui a été faite des conditions de mer le jour du drame (hauteur des vagues et force du courant), notamment au vu des éléments recueillis ultérieurement.
- La FFR s’interroge sur le fait de savoir si une tentative de porter secours à Medhi Narjissi à l’aide de la bouée de sauvetage à disposition aurait pu être envisagée ou si les membres de l’encadrement auraient pu entreprendre directement une quelconque action de secours. Dans la négative, cette circonstance semble confirmer que les conditions en mer étaient particulièrement dangereuses.
- Ce drame nécessite enfin d’interroger le ministère des Sports, qui exerce le pouvoir hiérarchique et disciplinaire sur les conseillers techniques sportifs présents, sur les conditions dans lesquelles la Direction technique nationale a constitué le staff de l’équipe de France U18 au début du mois de juillet 2024 et s’est assurée de sa pleine capacité, en particulier au regard du niveau d’expérience exigé pour l’encadrement d’un public mineur, à prendre en charge le déplacement en Afrique du Sud prévu un mois plus tard.
Pour toutes ces raisons, la Fédération Française de Rugby, pour ce qui la concerne, en l’état des faits dont elle a eu connaissance et sans préjudice des conclusions d’éventuelles enquêtes administratives et judiciaires ultérieures :
- Sollicitera le ministère des Sports pour qu’il mette fin, sans préavis, aux affectations auprès de lui, des conseillers techniques sportifs en responsabilité lors de ce déplacement, en raison de la rupture de confiance qui résulte, à ce stade, des faits relatés dans ce rapport, et ce, indépendamment des responsabilités administratives qu’il déciderait de leur imputer et des mesures de sanction qu’il pourrait prendre en conséquence ;
- Instruira, dans le cadre juridique approprié, l’opportunité de prendre des mesures à l’encontre des autres personnes ayant encadré l’équipe de France U18, quel que soit leur statut (CTS, salarié, bénévole ou prestataire);
- Demandera au ministère des Sports qu’il mène, conjointement avec elle, une analyse précise des conditions dans lesquelles la Direction technique nationale de la FFR a désigné le manager sportif de l’équipe de France U18 et d’autres conseillers techniques sportifs au sein du staff de cette équipe accueillant des joueurs mineurs, ainsi qu’une réflexion visant à redéfinir les missions des cadres techniques sportifs au sein de la fédération, leur articulation avec celles des salariés de la FFR et les modalités du contrôle de leur exécution ;
- Mènera, en tout état de cause, une profonde réflexion, dans la limite de ses compétences réglementaires, relative à la simplification des chaînes de commandement des équipes de France, aux conditions d’encadrement des équipes de France et à la maîtrise de procédures d’urgence appropriées en cas d’accident.
Comme elle s’y était engagée, la Fédération Française de Rugby, dans un souci de transparence, a transmis toutes les informations dont elle dispose à ce jour aux parents de Medhi Narjissi et a adressé au ministère des Sports ce rapport qu’elle tient désormais à disposition de la justice.
Via RMC Sport