Le rapport provisoire de l’enquête interne menée par la FFR sur le drame Medhi Narjissi, disparu en mer lors d’un entraînement avec l’équipe de France U18, met en évidence des contradictions dans les témoignages du staff et évoque la tentative de sauvetage de l’un de ses coéquipiers.
Un document de 12 pages pour tenter de faire la lumière sur un accident dramatique. La Fédération française de rugby (FFR) a conclu son rapport provisoire d’enquête interne menée après la disparition de Medhi Narjissi (17 ans), emporté par l’océan alors qu’il effectuait une séance de récupération avec l’équipe de France U18 en Afrique du Sud, le 7 août dernier. Dans ses conclusions, l’instance accable l’encadrement de l’équipe et demande au ministère des Sports des sanctions à l’encontre de plusieurs membres.
Le préparateur physique a remarqué des vagues “solides”
Rédigé à l’issue d’entretiens menés avec les membres du staff sur place et plusieurs joueurs (qui ont souhaité conserver leur anonymat), le rapport détaille toutes les étapes du drame – de l’évocation de cette séance de récupération jusqu’à la disparition du joueur happé par un courant d’arrachement – et montre des contradictions dans les témoignages. Alors que la journée du 7 août était off et consacrée à des visites, la décision a ainsi été prise d’organiser une séance de récupération sur la plage non surveillée de Dias Point. Mais les intervenants se renvoient la balle sur l’origine et le maintien de sa tenue.
Robin Ladauge, préparateur physique, indique que la décision a été prise la veille lors d’une réunion du staff “par l’ensemble des personnes présentes”, tout en expliquant avoir été chargé de la mettre en œuvre après avoir vérifié sur place sa faisabilité. Le manager Stéphane Cambos assure – comme d’autres témoins – que l’idée a été proposée par Ladauge. Cambos explique aussi avoir manifesté “à plusieurs reprises” ses réticences la veille mais aussi le jour même sur cette possibilité. Une version non confirmée par les personnes interrogées. Aucun témoignage “ne fait état de réserves manifestées par Stéphane Cambos, ni au cours de la réunion du staff du 6 août dont le déroulé et les participants restent incertains, ni le lendemain au cours du trajet ou dans l’eau”, fait remarquer le rapport.
L’idée de s’installer à cet endroit aurait été nourrie par “une croyance, erronée, selonlaquelle d’autres équipes de France auraient effectué pareille séance de récupération à Dias Beach par le passé”. Ce qui n’est jamais arrivé. Le rapport souligne une absence de concertation avec le prestataire “accompagnant de longue date les équipes sur place” et qui “aurait peut-être pu dissiper, voire confirmer la dangerosité du site”. Ce dernier n’a pas été convié à la réunion préparatoire du 6 août.
Oscar Boutez a tout tenté pour le sauver
Robin Ladauge, comme les autres membres du staff, assure par ailleurs ne pas avoir remarqué les panneaux prévenant de la dangerosité du site et de la baignade en raison des courants d’arrachement. Au moment de faire les vérifications demandées pour la tenue de la séance, le préparateur physique – équipé d’une combinaison de surf et d’une bouée “Rescue” munie d’un filin de 20 m récupérée au pied de l’escalier menant à la plage – confie avoir remarqué des vagues “solides” avec une barre (endroit où les vagues s’échouent) à une dizaine de mètres de la plage. Il a alors déterminé que la séance pouvait se tenir en définissant une zone avec peu de courant et une baignade à “hauteur de taille maximum”. Pour les membres du staff, tous les joueurs avaient entendu les consignes, même si au moins d’eux d’entre eux assurent que ce n’était pas le cas.
Alors que certains membres du staff sont entrés dans l’eau spontanément, Axel Dupont (analyste performance) et Romain Ladauge auraient été positionnés plus loin dans l’eau pour encadrer les joueurs entre eux et la plage, pour reprendre “tout joueur qui les aurait dépassés”. Une photo prise par des gardes en surplomb de la scène montre que Robin Ladauge n’était pas le plus éloigné du bord. Des joueurs confient, eux, avoir ressenti “un courant fort”, certains se sentant attirés vers le large, d’autres sur la droite de la plage. Certains confient aussi avoir rapidement eu de l’eau au niveau des aisselles. Des clichés montrent par ailleurs le groupe dispersé dans l’eau. Après “15 minutes rallongées de cinq minutes à la demande des joueurs”, il a été demandé à tout le monde de sortir de l’eau au moment où “les vagues avaient forci”, selon plusieurs témoignages.
C’est à ce moment que Medhi Narjissi s’est retrouvé en difficulté “à une quarantaine de mètres du groupe”, selon Robin Ladauge, “sans que personne ne l’ait vu en train de se faire déporter ni entendu”. Un joueur, Oscar Boutez, s’est alors porté à son secours. “Oscar Boutez a, seul, pris l’initiative de nager vers lui et l’a très vite rejoint”, explique le rapport. “Des membres du staff ont hésité à se lancer au secours de Medhi Narjissi mais les personnes concernées indiquent dans leurs témoignages avoir renoncé ou avoir été incitées à renoncer (Robin Ladauge) car les conditions du sauvetage étaient trop dangereuses. Dans un premier temps, Medhi Narjissi a semblé s’accrocher à Oscar Boutez au niveau du dos, avant de décrocher après le passage de deux vagues. Oscar Boutez a alors utilisé une vague pour revenir vers le bord, tandis que Medhi Narjissi était resté au niveau de la barre luttant contre les vagues. Les personnes présentes l’ont ensuite perdu de vue.”
Oscar Boutez a été récupéré par un de ses coéquipiers dans les rochers dans la zone où des joueurs et Robin Ladauge s’étaient précipités pour lui venir en aide. D’autres membres du staff ont pris de la hauteur pour tenter d’apercevoir Medhi Narjissi, quand d’autres ont trouvé les gardes pour signaler sa disparition. Mais ces derniers, témoins de la scène en hauteur, avaient déjà donné l’alerte. Le survol de la zone par un hélicoptère une demi-heure plus tard n’a pas permis de localiser le jeune joueur du Stade Toulousain.
Via RMC Sport