L’affaire Jegou – Auradou va avancer dans les jours à venir.
Ce dimanche, la plaignante a décidé de se confier dans les colonnes du journal Le Parisien.
Celle-ci indique dans un premier temps aller très mal. Extrait:
Je suis démoralisée, angoissée. Je souffre d’attaques de panique, je fais des cauchemars toutes les nuits, me réveille en pleurant et criant. Je ne dors plus. Ma vie s’est arrêtée le 7 juillet 2024. Mes deux enfants sont mon seul moteur, l’unique raison pour laquelle je suis encore en vie. Je ne comprends toujours pas comment ces joueurs ont pu être libérés et autorisés à rentrer en France (le 3 septembre). C’est une injustice. Ce sont deux violeurs, deux pommes pourries qui ne devraient plus jamais avoir le droit de jouer au rugby.
Elle estime être abandonnée par la justice et décide donc de prendre la parole. Extrait:
Parce que la justice m’abandonne. Et pour répondre aux avocats des joueurs, Rafael Cuneo Libarona et Antoine Vey, qui mentent, m’humilient, me discréditent et m’insultent. Je parle aussi pour que la société sache ce qu’il s’est passé et pour toutes les victimes de viol qui n’osent pas porter plainte. J’ai fait plusieurs tentatives de suicide. Être internée (dans un hôpital psychiatrique) m’a aidée à voir les choses d’une manière différente. J’étais coupée des médias, isolée avec deux autres personnes en pire état que moi. Je les ai vues lutter avec acharnement pour rester en vie. Ça m’a inspirée et fait réfléchir. J’ai commencé à redonner de la valeur à ma vie.
Elle affirme vouloir continuer à se battre. Extrait:
Ça m’a convaincue de prendre la parole. Je vais continuer à me battre. Être un exemple pour celles qui ont peur de parler. Beaucoup de femmes me soutiennent et me donnent de la force, surtout en France. Avant, je voulais me cacher. Ce n’est plus le cas, mais je ne veux pas dévoiler mon identité, car je ne me sens pas encore prête à ce que mes enfants sachent la vérité. J’espère désormais que la société condamnera ces joueurs.
Dans la foulée, elle répond à l’avocat des joueurs Maître Vey qui estime qu’il s’agit d’une fausse accusation. Extrait:
Qu’il n’était pas dans la chambre et qu’il ne devrait donc pas émettre d’opinion. Puisqu’il est payé par la Fédération française de rugby (l’avocat affirme le contraire), qu’il s’occupe des problèmes de drogue qu’il y a dans ce sport plutôt que de répandre des mensonges. Il parle d’une vidéo Snapchat dans laquelle j’apparaîtrais (filmée par Hugo Auradou dans la chambre où se seraient déroulés les faits). Où est cette vidéo ? J’aimerais bien la voir. (Elle insiste). Cette vidéo n’existe pas.
Elle répond également au parquet qui évoque des incohérences dans ses déclarations. Extrait:
Ils se basent sur ce que j’ai dit le jour de mon dépôt de plainte (le 7 juillet, quelques heures après les faits présumés), quand j’étais encore sous l’effet des médicaments et de l’alcool. Il n’y a pas de faille dans mon récit. J’ai simplement apporté des précisions lors de ma deuxième audition (le 6 août). Je souffre de stress post-traumatique. Les images de cette nuit me reviennent par flashs à mesure que le temps passe. Je me souviens de ces moments par séquences. Les joueurs étaient totalement alcoolisés. Moi aussi. On avait bu trois bouteilles de Fernet (un alcool fort ultra-populaire en Argentine) à quatre chez mon amie avant de sortir. Puis une autre dans la boîte.
Les faits se sont déroulés exactement tel que je les ai décrits (plusieurs viols accompagnés de coups, morsures, griffures, étranglements et séquestration). Je maintiens tout ce que j’ai dit. Je ne mens pas. Il (Auradou) a essayé de m’emmener dans les toilettes à trois reprises dans la boîte de nuit. J’ai refusé. Devant la chambre, il a baissé son pantalon. Je l’ai remonté par pudeur, parce que ça me gênait. J’ai accepté de le suivre à l’hôtel car je voulais boire un verre avec lui, pas nécessairement avoir une relation sexuelle. Ça aurait pu arriver, oui. Sans violence. C’était une possibilité, mais pas mon but.
Elle rappelle encore une fois les faits. Extrait:
Quand je suis entrée dans la chambre, Hugo (Auradou) m’a prise par les cheveux et m’a jetée sur le lit. Je n’ai consenti à aucun acte qui s’est déroulé dans cette chambre. J’ai voulu partir tout de suite. Je lui ai dit clairement à plusieurs reprises. Il m’a répondu « non » de la tête puis m’a violée. Il s’est passé la même chose quand le deuxième (Oscar Jegou) est entré dans la chambre. Au lieu de m’aider, il s’est déshabillé, alors que je répétais « please, no, no, I am going to my house ». Hugo m’a attrapée brutalement par les cheveux, m’a traînée vers le lit d’Oscar et m’a forcée à lui faire une fellation pendant qu’il se masturbait. (Sa voix s’étrangle). J’ai encore l’image en tête.
Elle réfute les propos d’Oscar Jegou qui affirme qu’elle est allée dans son lit. Extrait:
C’est un mensonge. Je ne comprenais pas ce qu’il faisait dans cette chambre, car Hugo ne m’avait pas prévenue qu’il la partageait avec quelqu’un (il a déclaré le contraire devant le ministère public). Il est entré dans la chambre et m’a violée. Ils m’ont roué de coups.
C’est quelques heures après les faits qu’elle a pris conscience de la gravité des faits. Extrait:
Quelques heures après, quand les effets de l’alcool ont commencé à s’estomper un peu, en parlant avec mon amie (via des messages audio envoyés sur WhatsApp). Je voulais savoir comment elle avait passé la soirée. Si elle ne m’avait pas dit pas qu’elle était rentrée elle aussi avec un homme, je n’aurais rien dit, par gêne. D’où le ton au début de la conversation (dans lequel elle souligne à la fois le charme d’Auradou et la violence des coups reçus). Et sans les relances de mon amie, j’aurais sans doute raconté l’histoire de manière différente. J’aurais sûrement gardé la vérité pour moi. Je me serais levée, je serais allée me doucher et j’aurais continué ma vie sans porter plainte. Car c’est humiliant et extrêmement difficile à raconter.
Des amis se sont éloignés de moi depuis ce jour. Aujourd’hui, un homme qui s’intéresserait à moi prendrait peut-être ses distances en apprenant ce qui m’est arrivé. (Silence) Je n’ai pas l’intention de rencontrer quelqu’un de toute façon. Je suis isolée socialement. Je ne veux voir ni parler avec personne. Je ne sors plus, je reste enfermée chez moi avec mes parents. Je m’occupe de ma fille. Je bénéficie d’un suivi psychologique et psychiatrique. Je prends encore beaucoup de médicaments. J’ai de nombreux problèmes physiques en raison des violences que m’ont fait subir ces animaux.
Elle énumère les nombreux problèmes de santé dont elle est victime désormais. Extrait:
J’en souffre encore aujourd’hui. On m’a dit que j’avais besoin d’au moins soixante séances de rééducation. J’ai si mal aux genoux que je ne peux pas m’accroupir ni rester très longtemps debout. Je n’ai plus de force musculaire dans les jambes. Les avocats des joueurs essayent de faire croire que ces blessures sont la conséquence d’une maladie (le syndrome de Willebrand) qui générerait des marques pour de simples contacts avec la peau. Mais comment ils expliquent les douleurs ? J’avais tellement mal partout que j’ai fait une surdose de médicaments le 11 juillet et que j’ai fini à l’hôpital pour un ulcère. Je fais 1,73 m pour 72 kg. Eux presque 2 m pour 100 kg. Je suis forte, je me suis débattue, j’ai crié, mais je n’ai pas pu les arrêter.
Elle peste contre l’avocat des joueurs qui a dévoilé son nom aux médias. Extrait:
Tout a changé lorsque (Rafael) Cuneo Libarona a été engagé (par les joueurs). Il a dévoilé mon nom de famille à la presse (le 8 août). C’était intentionnel (il a plaidé une maladresse). Après ça, on a essayé de rentrer par effraction dans mon domicile. Des véhicules ont commencé à me suivre. Je ne bénéficie d’aucune protection. J’ai peur pour ma vie et celle de ma famille. Il y a des personnes puissantes et beaucoup d’intérêts politiques impliqués dans l’affaire. Je me sens impuissante, car je ne peux pas lutter contre les moyens financiers de ces joueurs. Cuneo Libarona est le frère de l’actuel ministre de la Justice. Ce n’est pas un détail. Beaucoup de choses étranges se sont passées. C’est pour cette raison que je vais me présenter (ce jeudi) devant la Commission des droits et garanties constitutionnelles de l’Assemblée législative de la province de Mendoza.
Je demande la vérité et la transparence. Je veux que cette commission analyse la manière dont a travaillé la justice. Je ne fais pas confiance au ministère public de Mendoza, qui manque d’objectivité. (Natacha Romano, l’avocate de la plaignante, intervient : « Le député José Luis Ramón, à la tête de cette commission, peut demander des explications par écrit au parquet pour s’assurer qu’il n’y a pas eu d’irrégularités dans l’instruction du dossier. Ma cliente a souffert d’une violence institutionnelle, d’un manque d’impartialité et n’a pas bénéficié de la protection normalement accordée aux victimes. »)
Dans la foulée, elle explique pourquoi elle n’a pas voulu remettre son téléphone aux enquêteurs. Extrait:
Parce que c’est le seul moyen de communication que je possède avec mon fils aîné, qui vit à Buenos Aires. J’ai toutes les photos de mes enfants et ma famille dedans, et les jeux préférés de ma fille. Je n’ai rien à cacher. Mais je ne vais pas laisser mon téléphone à Cuneo Libarona pour qu’il enquête sur des choses qui n’ont rien à voir avec les faits et divulgue des informations sur ma vie personnelle.