Bardés de titres ces dernières années, les joueurs du Stade Toulousain doivent répondre tous les week-ends aux défis de leurs adversaires, qui rêvent de les faire tomber. A l’image de la défaite à domicile face à l’UBB, la concurrence ne permet aucun relâchement.
Comment les joueurs et le staff fonctionnent pour tenter maintenir un niveau d’engagement et de performance sur l’ensemble d’une très longue saison alors qu’ils ont déjà tout gagné? Eléments de réponse en ce jour de derby à Castres où Toulouse sera évidemment encore attendu.
“Moi, je ne dirais jamais que je suis fatigué. Je ne comprends pas trop ceux qui disent qu’ils sont fatigués. Si un jour je dis que je suis fatigué, c’est qu’il y a un problème. C’est vrai qu’on a fait le doublé la saison dernière, mais ça repart à zéro. C’est une nouvelle saison”.
La spontanéité du talonneur Peato Mauvaka rassurera sûrement les supporters du Stade Toulousain, qui n’ont toutefois peut-être pas besoin de l’être eu égard à la conjoncture récente de leur club, mais après la défaite à domicile face à l’UBB (12-16), qui mettait fin à 31 mois d’invincibilité à domicile, une question s’imposait.
Comment, après tous ces succès, un groupe comme celui de Toulouse peut rester performant durant 26 matchs et dix mois de saison régulière de Top 14 (sans parler de la Champions Cup)? Une histoire de standing avant tout, avance l’ailier Matthis Lebel.
“Il faut se dire que quand on revêt le maillot, en tout cas notre maillot, c’est pour montrer la plus belle image du club, du joueur qu’on est et du groupe qu’on veut représenter. Donc, je pense que c’est le leitmotiv, pourquoi on se lève tous les matins”. Gagner comme obsession, au jour le jour. “On essaie de garder l’esprit de compétition dans la tête de tout le monde”, ajoute l’entraîneur des avants Virgile Lacombe. “Et surtout, on s’appuie aussi sur l’histoire de notre club et sur la culture qu’il y a ici de la gagne. On essaie de le retrouver sur les entraînements”.
Le 2e ligne Thibaud Flament avouait en début d’exercice que depuis quatre ans qu’il était là, aucune saison n’avait ressemblé à une autre, à la faveur de la stimulation du staff et de son imagination à ne pas renouveler les mêmes semaines. “Je trouve qu’ici, il n’y a jamais ce phénomène de lassitude“, abonde le trois quart centre Pierre-Louis Barassi.
“Chaque entraînement est différent, les contenus sont différents. En fonction des équipes qu’on va préparer, on aborde des tactiques et des stratégies différentes. Tout ça fait qu’on se renouvelle assez souvent”. La structure de la semaine, son contenu et donc son intérêt, reste un enjeu pour tous les entraîneurs. Mais encore plus dans un club glouton de titre, quand la satiété vous guette.
“Cette émulation permet de garder le cap”
Il est alors possible de brandir la notion de la concurrence, exacerbée à Toulouse. Un premier levier, argument majeur aux yeux du staff, avant tout relâchement. Lacombe l’avoue. “Avec la qualité des joueurs que l’on a, et le grand nombre d’entre eux, ça nous permet de changer l’effectif. De remettre les joueurs en question. Au final, cette remise en question au poste fait que les joueurs sont compétitifs puisqu’ils ont envie d’être performants et envie de gagner. C’est la chance qu’on peut avoir d’avoir un effectif élargi, pour pouvoir essayer de ne pas tout chambouler d’une semaine sur l’autre, mais de faire des petites modifications et continuer à essayer de gagner”.
Barassi confirme: “On est beaucoup à chaque poste. Chaque match, c’est une opportunité de pouvoir enchaîner, montrer aussi au groupe et au staff qu’on mérite de jouer. Cette émulation, ça permet de garder le cap. Je pense que la majorité, voire tout l’effectif du Stade Toulousain est ici aussi pour aller chercher des choses en fin de saison”.
Avec cinquante-deux joueurs utilisés l’an passé, le staff a montré que peu d’éléments étaient assurés d’aborder un match dans la peau d’un titulaire. Un Ramos sur le banc en phases finales de Champions Cup, idem pour Marchand au poste de talonneur, un Capuozzo absent des feuilles de match dans cette compétition mais de retour en finale de Top 14, ces exemples témoignent du niveau d’exigence et d’investissement nécessaire.
Seulement, dans une saison que les acteurs qualifient souvent de “marathon” et un niveau du Top 14 qui n’autorise pas de relâchement, on comprendrait toutefois qu’un joueur ait, le temps d’un match, un peu moins la “flamme”. D’autant que ces professionnels ont adopté une préparation bien différente des générations précédentes, où le côté “guerrier” primait sur beaucoup de choses. Et oui, on ne se tape plus la tête contre les murs dans les vestiaires.
“Aujourd’hui, je pense qu’il y a de moins en moins d’équipes qui sont sur la motivation de la vieille école, puisque les joueurs sont capables de se préparer pour ça”, explique Lacombe. “Ils sont assez autonomes. On essaie plus de les cadrer sur leur manière de travailler, de s’entraîner à la semaine, plutôt que, dès le lundi, les remonter pour qu’ils soient prêts à s’engager à 200%”.
“On s’est quand même fait bouger dans les phases de contact. Ça nous a remis face à notre réalité. Que le Top 14 est très, très dur. Très serré. Et si on pense qu’avec une baisse de régime, ça peut passer…”
Les Toulousains, qui ont pris en pleine face le fait de tomber dans leur stade d’Ernest Wallon face à un concurrent direct pour le titre dimanche, après des semaines de succès, ne sont pas dupes. Ils ne gagneront pas tous les matchs (neuf défaites l’an passé en Top 14). Lebel acquiesce. “Ce serait mentir de dire le contraire. Bien sûr qu’on a envie de gagner tous les matchs. Mais peut-être que certains n’ont pas la même saveur en fonction de quand on est à domicile, quand on est à l’extérieur. Ça, je pense que c’est la vérité de tous les clubs et de tous les joueurs. Cependant, il faut réussir, à aller au-delà de ça”. Lui et ses coéquipiers veulent donc vite réagir.
“On n’a pas su répondre à ce que nous a proposé Bordeaux”, poursuit-il. “On s’est quand même fait bouger dans les phases de contact. Ça nous a remis face à notre réalité. Que le Top 14 est très, très dur. Très serré. Et si on pense qu’avec une baisse de régime, ça peut passer… on s’est un peu leurré sur les trois premières journées avec des victoires positives sur le plan comptable, mais qui n’étaient peut-être pas la réalité, en terme de jeu”.
Avant d’aller à Castres et un bouillant stade Pierre Fabre pour le derby, lors duquel les Toulousains restent sur quatre défaites de rang, le contexte motive de lui-même. “Le public là-bas attend ce match comme chaque année. Si on commence à se sortir au niveau du combat, ça peut être très, très long samedi soir”.
Via RMC Sport