L’ancien entraîneur du XV de France et ex-technicien du Stade-Français Paris, Karim Ghezal s’est confié via L’équipe.
Ce-dernier s’est exprimé sur la polyvalence particulière de certains joueurs comme Peato Mauvaka capable d’évoluer au talon mais également en troisième ligne.
Il explique pourquoi cette polyvalence est extrêmement précieuse pour le XV de France. Extrait:
C’est très important car vous n’avez pas les mêmes règles de changements qu’en Top 14. En Championnat, vous pouvez faire jusqu’à douze changements, des joueurs peuvent sortir et rerentrer. Ce n’est pas possible au niveau international, sauf en cas de commotion comme on l’a vu contre la Nouvelle-Zélande avec la sortie de Paul Boudehent et Peato Mauvaka qui a pu revenir sur le terrain. Donc vous avez beaucoup moins de jokers, le coaching est hyper important.
Il dévoile ensuite toutes les techniques de coaching. Extrait:
Il y a d’abord les coachings ”obligatoires”. Le pilier gauche, le pilier droit et le numéro 5. C’était Paul Willemse, Romain Taofifenua à notre époque, c’est Emmanuel Meafou aujourd’hui. Des joueurs qui, sauf très rare exception, ne joueront pas 80 minutes et ne changeront pas de poste. Tous les autres avants doivent être capables de bouger. Sur le banc, il faut avoir deux deuxième ligne remplaçants, avec un joueur capable d’annoncer en touche. Comme ça, vous pouvez envisager un cinq de devant tout neuf et frais pour finir le match.
À la limite, si un troisième-ligne faiblit, on peut en coacher un et utiliser justement un polyvalent à sa place. Ensuite, on garde un dernier remplaçant, ça peut être le sixième avant ou le demi de mêlée remplaçant, le plus longtemps possible sur le banc en cas de pépin en fin de match et éviter de finir à 14. Par exemple, vendredi soir face à l’Argentine, comme ils comptent sur Nolann Le Garrec pour entrer à la mêlée, un Marko Gazzotti peut être ce joueur qui patiente un peu plus que les autres. On faisait ça avec Sekou Macalou, qui ne jouait pas beaucoup sur certains matches.
Regardez le match face au Japon, où il y a deux coachings imposés et imprévus sur blessure, Flament (33e) puis Cros (mi-temps) qui doivent sortir. Là, ils ont dû comprendre assez vite, sachant que Meafou allait aussi être coaché à la 50e minute, que Peato Mauvaka allait jouer 80 minutes et finir en troisième ligne. Surtout qu’il y avait un banc en 5-3 ce soir-là, donc moins d’options devant. Contre la Nouvelle-Zélande, ils ont trois blessures imprévues : Tatafu (sorti à la 10e), Taofifenua (56e) et Boudehent (70e). Donc pareil, il a fallu s’adapter et sortir du scénario de coaching prévu.
Il indique également pourquoi un deuxième ligne capable d’évoluer en troisième ligne est également très précieux sur le plan international. Extrait:
Dès 2020, on cherchait ce genre de profils qui pouvaient bouger entre deuxième et troisième lignes. Dans un tour des clubs, on avait évoqué avec Roumat l’éventualité de jouer 4. On le voyait polyvalent 4-6-8, ce qui est arrivé plus tard dans sa carrière. Et il entre en 4 sur ses deux premières sélections au Tournoi (en mars au pays de Galles et contre l’Angleterre). On utilisait Cameron Woki dans ce profil-là, il était passé en 4 à partir de la tournée de novembre 2021. Ce sont des joueurs super importants car ils sont à la fois polyvalents mais aussi leaders de touche, peu importe leur poste.
Guillard est très intéressant aussi pour le staff. Contre l’Argentine, ”Tao” (Romain Taofifenua) est forfait, donc il va pouvoir couvrir le poste de 5 derrière Meafou, ce que peut aussi faire Flament d’ailleurs, qui a beaucoup progressé à ce poste et y a joué à la Coupe du monde. Et Guillard, si besoin, peut passer en troisième-ligne aussi. Un Charles Ollivon (titulaire en 8) a aussi le profil pour moi pour passer en 4 si besoin. Ça multiplie les possibilités face aux aléas, l’essentiel étant de garder le plus possible un équilibre entre profils puissants et joueurs aériens.
Il ne manque pas d’encenser la polyvalence de Peato Mauvaka. Extrait:
C’est encore une arme en plus dans le coaching, on l’a vu sur les deux premiers matches de la tournée. Il fait partie de ces rares premières lignes qui peuvent jouer 80 minutes, jouer en troisième ligne. En touche, il peut lancer, lifter et même sauter. Il l’a fait en match avec Toulouse et on lui faisait travailler ça à l’entraînement.
Il se rappelle d’un match du XV de France où la polyvalence des avants a permis aux Bleus de s’imposer. Extrait:
Clairement l’Afrique du Sud en novembre 2022 (30-26). C’était chaud sur le coaching… On avait aussi eu l’Écosse dans le Tournoi 2020 avec le carton rouge de Mohamed Haouas, mais l’Afrique du Sud, on cumulait les pépins très vite dans le match. Danty sort très vite et Macalou entre à l’aile (13e). Atonio et Flament font des commotions (29e et 32e), Baille sort sur blessure (33e) et Dupont prend un rouge (48e)… C’était le chaos !
On avait un banc en 6-2, donc Macalou avait joué le match ailier, on l’avait prévu en cas de besoin, et il avait été énorme. On avait dû faire sortir Alldritt pour faire entrer un 9 (Lucu, 53e), on avait fait des mêlées et touches offensives à 8, avec Sekou qui venait dans le pack, mais à 7 quand on défendait avec Sekou en position d’ailier. Donc il a fallu s’adapter en permanence. Et sans des profils polyvalents comme Macalou ce soir-là, on aurait pu être en difficulté.