Dimanche, le Stade-Toulousain affrontera l’Ulster à l’occasion de la première journée de la Champions Cup.
Interrogé via L’équipe, le manager Toulousain Ugo Mola a évoqué cette rencontre.
Il parle plus globalement de cette compétition au format particulier. Extrait:
Il y a deux manières de l’aborder. Réaliser un bon parcours ne nécessite pas l’obligation de faire un carton plein. Tu peux te qualifier pour les huitièmes de finale avec seulement une victoire. Mais si tu veux la gagner, ton parcours, et donc un sans-faute, est souvent gage de trophée à la fin. L’histoire récente montre que la réussite de ta phase de poules et la réussite de ta phase finale sont fortement liées. Il faut démarrer pied au plancher.
Évidemment, tout le monde veut jouer ce genre de match, notamment au regard de notre poule très relevée (Ulster, Exeter, Leicester et Sharks). Mais il ne faut pas se tromper de guerre. Nous devons aligner une équipe très performante pour attaquer la compétition. Il y a aussi les matches suivant en Top 14 jusqu’au début du Tournoi, fin janvier. C’est souvent le moment charnière de ta saison. Sur la quinzaine qui arrive, joueront ceux qui ont un statut international, mais aussi ceux qui ont marqué des points depuis le début de saison. Avec toujours le même objectif : avoir la meilleure équipe du moment et une qualité de jeu.
Il explique que son groupe est obsédé par le contenu et la gagne. Extrait:
Nous sommes obsédés par le niveau du contenu que nous proposons. Nous entraînons l’intention. Le résultat n’est que la conséquence de nos intentions. Notre principale préoccupation est : quel niveau d’éveil ? Quel niveau d’envie ? Quel niveau d’énergie ? Qu’est-ce que cette génération est-elle prête à fournir pour continuer de gagner ? Le bilan est très positif avec six titres en cinq saisons (4 titres de Top 14 et deux de Coupe d’Europe).
Ce groupe a déjà marqué l’histoire du club. En gagnant encore quelques titres, ils pourraient se démarquer des précédentes générations. On souhaite tirer le meilleur de ce groupe sur une dizaine d’années. On sait ce que coûte un titre, en termes d’implication, de travail, de blessures, ce que ça engendre aussi comme frustration au sein d’un groupe. Quand le résultat est là, les émotions sont extraordinaires. Mais le doublé est déjà loin derrière nous. Nous sommes passés à autre chose. C’est la clé. Quand je vois comment nos adversaires évoluent, se renforcent, tu n’as pas le temps de te reposer. Regardez les deux derniers matches du promu Vannes (défaite 29-37 face à Bordeaux, victoire 14-23 au Stade Rochelais). Tu comprends que le niveau se resserre.
Il l’affirme : Toulouse ne peut pas rester sur ses acquis et doit perpétuellement progresser et se réinventer. Extrait:
Ce qui te permet de gagner devient obsolète le jour où tu gagnes. Bien sûr que tu conserves des choses qui fonctionnent. Mais le changement ne passe pas uniquement par le renouvellement des hommes. Ça doit aussi être le cas des habitudes, des routines, savoir se réinventer dans la manière de jouer. On innove régulièrement. Notamment sur la manière de présenter les choses au groupe. C’est un chemin initiatique qui doit nous permettre de devenir l’équipe idéale qu’on souhaiterait être. Il faut continuer de bosser, se remettre en question et accepter l’émulation qui est féroce au Stade Toulousain. C’est ici que jouer doit être le plus dur. Mais tout ça ne nous empêchera pas d’être moins performant, de passer au travers ou de vivre des saisons blanches ou… noires.
Il explique pourquoi une équipe type ne peut pas exister à Toulouse. Extrait:
Imaginer cette équipe type ne serait pas honnête. Elle insinuerait que tu ne prends pas en compte les performances ou l’évolution de tes joueurs. C’est une spécificité du Stade Toulousain. Nous avons l’un des trois meilleurs talonneurs au monde, et pourtant, il ne commence pas tous les matches… La concurrence tue ton partenaire, l’émulation le tire vers le haut. Je donne souvent l’exemple du 100 mètres à mes joueurs. Si un mec à 9”50 affronte des adversaires à 10”, un 9”80 va lui suffire pour gagner. En revanche, si tu affrontes des mecs à 9”70 ou 9”60, il devra donner le meilleur de lui pour faire 9”50. Le sport de haut niveau nécessite qu’on repousse nos limites.
Dans la foulée, il affirme que ses joueurs sont de véritables affamés. Extrait:
Non. Les grands joueurs veulent jouer aux côtés de leurs pendants. J’aime l’exemple de la cage aux lions. Ils ne s’agressent pas tant qu’ils se reconnaissent. Dès qu’il y en a un plus faible, il est mort. Au Stade Toulousain, c’est la cage aux lions. Si je prends Antoine Dupont et son ami Paul Graou, ils se tirent la bourre. Venez à une séance de jeu au pied, c’est féroce.
L’embourgeoisement nous pend au nez tous les jours, même si avec Didier (Lacroix, le président) et Jérôme (Cazalbou, le responsable du haut niveau) nous y sommes très vigilants. Le pire ennemi du Stade Toulousain reste le Stade Toulousain. C’est mon rôle et mon obsession de l’éviter.
Il concède que tout va bien actuellement à Toulouse, mais que tout reste très fragile. Extrait:
Tout va bien, oui, mais c’est d’une fragilité absolue. J’ai des doutes, des peurs, des angoisses et des faiblesses. Les identifier, les comprendre et savoir où tu veux aller t’aide à les surmonter. Quand tu alignes cette équipe avec autant de grands joueurs, quel niveau de rugby tu proposes ? Sur ce niveau d’exigence, je suis intransigeant. Encore une fois, pour l’intention, pas le résultat. Tu as le droit de perdre.
La difficulté est d’être en phase avec ce que tu as entre les mains. L’an dernier, à chaque fois qu’on faisait un choix, on avait la sensation d’être des génies car tout fonctionnait. Mais après, sans carton rouge (Atonio et Wardi) en demi-finale du Top 14 (victoire 39-23 face au Stade Rochelais), ou si le drop du Leinster passe en finale de Coupe des champions à 15-15 (80e), c’est le Leinster gagne (victoire 22-31 de Toulouse en prolongations).
Pour conclure, il est revenu sur la défaite à domicile de son équipe concédée contre l’UBB. Extrait:
J’ai beaucoup parlé d’intention. Elle était du côté de Bordeaux et leur succès est logique. Mais cette défaite me motive pour la suite. Je remarque aussi que la saison durant laquelle nous avons eu le plus de confort est 2021-2022. Celle où nous n’avons rien gagné, alors que nous sortions d’un doublé… Nous avons tout mis sur la table et la principale question a été de savoir : à quel niveau et pendant combien de temps sommes-nous disposés à faire des efforts pour être en mesure de gagner de nouveaux titres ? Mon rôle a beaucoup évolué en ce sens : être vigilant à la moindre défaillance personnelle ou collective afin de pouvoir combattre avec toutes nos armes. C’est finalement un éternel recommencement. Quand tu gagnes souvent, le plus difficile est de trouver l’énergie nécessaire pour remettre le bleu de chauffe.