Ce mercredi, Fabien Galthié devrait annoncer la convocation d’Hugo Auradou (Pau) et Oscar Jegou (La Rochelle) parmi les 42 joueurs appelés à préparer le Tournoi des Six Nations. Cette décision, qui survient après un non-lieu prononcé dans l’affaire de viol aggravé dont ils étaient accusés, fait polémique parmi les anciens sélectionneurs des Bleus.
Connu pour sa communication mesurée et son approche pragmatique, le sélectionneur français n’a pas éludé la question lors de son intervention lundi sur RMC. Selon lui, la justice argentine a tranché et, suite au non-lieu, il n’y a aucune raison de bloquer le retour des deux jeunes joueurs. “Ils sont sélectionnables, et nous faisons confiance à la justice”, a-t-il déclaré, préparant ainsi le terrain pour leur inclusion probable dans la liste des 42, malgré la polémique qui pourrait en découler.
Le choix de rappeler Auradou et Jegou divise profondément. Certains estiment qu’il faut tourner la page après le verdict judiciaire, tandis que d’autres restent préoccupés par l’impact de cette décision sur l’image du rugby français. Les deux joueurs avaient été mis en examen pour viol aggravé en réunion en juillet dernier à Mendoza, lors de la tournée en Argentine. Le non-lieu prononcé en décembre a réhabilité leur image aux yeux de la justice, mais la question de leur retour sur le terrain soulève des débats.
La Fédération Française de Rugby (FFR) a clairement indiqué sa position après le verdict, précisant que si les performances des deux joueurs le permettaient, leur sélection était envisageable. Fabien Galthié, qui a soutenu Auradou et Jegou tout au long de l’affaire, notamment en les accueillant à leur retour en France, se retrouve aujourd’hui face à un dilemme délicat. Selon lui, le dossier est clos sur le plan judiciaire et il n’y a pas de raison de pénaliser ces jeunes joueurs.
Bernard Laporte, prédécesseur de Galthié et figure de proue du rugby français, a exprimé son soutien à cette approche via Le Parisien. Extrait:
“La justice est passée, il n’y a rien. Alors on ne va pas bouffer leur jeunesse.”, a-t-il réagi, estimant que les appels à venir ne devraient pas suspendre indéfiniment la carrière des joueurs. Laporte a rappelé qu’il avait été l’un des premiers à défendre les deux joueurs lorsque l’affaire avait éclaté, malgré la pression médiatique.
Il s’est confié sur l’appel de la plaignante. Extrait:
“Si on doit attendre les appels, on fait quoi ? Moi, je peux accuser quelqu’un, être débouté, multiplier les appels et l’empêcher de jouer à vie ? Ce serait trop facile. Je n’ai pas varié. J’ai été le premier à les défendre au tout début, alors que tout le monde leur tombait dessus.”
De son côté, Guy Novès, ancien sélectionneur des Bleus, partage cette opinion. Extrait:
“À partir du moment où ils sont jugés non-coupables, ils reviennent dans la société, souligne l’ancien manager du Stade toulousain. S’ils méritent d’être sur le terrain avec le maillot de l’équipe de France, alors il faut qu’ils y soient. Ils ont été salis puis blanchis. Il est normal de laisser des jeunes gens reprendre leur métier.”
Pierre Berbizier, ex-sélectionneur du XV de France, admet qu’il est difficile de se positionner de manière claire. Il émet des réserves. Extrait:
« C’est compliqué, j’ai du mal à me positionner de façon tranchée. Je pense qu’il faut à un moment tourner la page. Les hommes ont été jugés pour leurs actes, ils retrouvent désormais une vie normale, il faut maintenant juger les sportifs. Un sélectionneur est parfois confronté à ce genre de dilemme et, dans une vie de groupe, c’est autant voire plus la qualité de l’homme qu’il faut regarder que celle du sportif… Il m’est arrivé de me priver de joueurs sur des critères extra-sportifs en mettant la vie de groupe au-dessus de toute autre considération. »
Pierre Villepreux enchaine. Extrait:
« Je ne sais pas trop, c’est difficile, je ne penche ni d’un côté ni de l’autre. »
Jean-Claude Skrela, ancien sélectionneur, reste plus réservé. Extrait:
« Pour ma part, j’attendrais que l’affaire soit terminée pour de bon, que tout cela soit derrière nous. Cela me semble prématuré. Il y a encore un appel qui court. Ils ont été blanchis pour le moment mais je pense aussi à l’image du rugby. Cette histoire a beaucoup fait parler, elle est très présente encore dans les esprits. Alors pourquoi se précipiter ?
On pourrait éviter de récompenser immédiatement Hugo Auradou et Oscar Jegou. On devrait leur laisser le temps de se rattraper, en termes de comportement. S’ils le démontrent au fil du temps, on les reprend, sinon tant pis. Si Fabien Galthié les sélectionne, je crois que ce sera un problème. »
Philippe Saint-André, un autre ancien sélectionneur, a souligné la nécessité d’une décision collégiale entre le président de la FFR et Galthié. Extrait:
« Cette décision doit être politique. Le président de la FFR et Fabien Galthié doivent être d’accord. Mais à titre personnel, je trouve que c’est trop tôt. Que va-t-il se passer si l’appel est retenu le 10 février, en plein Tournoi ? On va les renvoyer le 11 (l’examen devrait prendre plusieurs jours, voire semaines) ? Est-ce qu’on s’imagine ce que cela provoquerait, ce que cela renverrait comme image du rugby, alors que l’on prône désormais l’exemplarité ? »
Même si Auradou et Jegou sont considérés comme des talents prometteurs, leur inclusion parmi les 42 sélectionnés pourrait bien mettre Fabien Galthié face à une nouvelle polémique.
Reste à savoir si le sélectionneur, convaincu par leurs qualités sportives, prendra le risque de relancer cette affaire, alors même qu’elle pourrait impacter l’image de l’équipe de France pendant le Tournoi des Six Nations.