C’est désormais officiel : le troisième ligne Yacouba Camara ne portera plus le maillot du XV de France.
Il y a quelques jours, le joueur de Montpellier a annoncé à Fabien Galthié qu’il ne souhaitait plus défendre les couleurs des Bleus mais celles du Mali.
La dernière sélection de Yacouba Camara avec le XV de France remonte à 2019. C’était lors de la Coupe du monde au Japon.
Selon les dernières rumeurs, le joueur Montpelliérain était tout proche d’un retour en équipe de France.
Du moins, Fabien Galthié souhaitait le contacter pour lui demander de se préparer à toute éventualité.
Reste qu’entre temps, Yacouba Camara a décliné.
Interrogé via L’équipe, le joueur du MHR explique sa décision. Extrait:
Laurent Sempéré (co-entraîneur des avants) m’a appelé le lundi pour m’informer que je faisais partie d’une liste élargie et qu’il comptait sur moi (le groupe des 42 a été communiqué deux jours plus tard). Puis j’ai eu Raphaël Ibanez (le manager général des Bleus). Je leur ai fait part de mon envie de jouer pour l’équipe nationale du Mali et je leur ai expliqué que c’était une décision murement réfléchie. Ils ont d’abord été bien sûr étonnés. Puis ils ont tout de suite compris ma volonté et mon dévouement. Ils m’ont souhaité bon courage pour la suite. Raphaël Ibanez m’a dit que c’était admirable.
Il affirme qu’il ne pensait vraiment pas pouvoir renouer avec le XV de France après 5 ans d’absence. Extrait:
Non, pas du tout. Je n’y croyais pas car ça faisait un moment que je n’y avais pas joué (le 6 octobre 2019, victoire 23-21 contre les Tonga, au Japon). C’est vrai que je fais une bonne saison, je me sens bien, ça se passe bien avec le staff, l’équipe tourne bien. Mais le coeur a parlé. Ce n’est pas un refus de l’équipe de France. Je suis sur la fin de ma carrière même s’il me reste encore quelques belles années de rugby. Je sais que j’aurais dû attendre trois ans de plus pour jouer avec le Mali si j’avais eu la chance d’être sélectionné en équipe de France. Ça aurait été impossible. J’ai aussi fait ce calcul.
Il rappelle cependant qu’il reste Français. Extrait:
Je ne tournerai pas la page. Je suis et je serai Français d’origine malienne. Je regarderai les matches comme si je combattais avec eux. C’est très important pour moi de ne pas confondre les choses. L’équipe de France, c’est ma vie, ça a été tout pour moi.
Il explique ensuite précisément pourquoi il souhaite porter les couleurs du Mali. Extrait:
J’en avais vraiment envie. Ce n’est pas une décision facile mais je l’avais en tête depuis plusieurs années. J’ai un attachement familial fort au Mali et aussi du vécu. J’y suis allé deux fois. J’ai aimé partager des moments de rugby là-bas. À mes partenaires de Montpellier, j’ai souvent dit que je jouerai un jour pour le Mali. Ils se moquaient de moi ! (Rires.) Mais au fur et à mesure, ils ont commencé à le comprendre. Et encore plus ces derniers jours.
Mes parents sont Maliens. Ils sont nés là-bas. Mon grand frère a joué pour l’équipe nationale du Mali. Il est heureux aujourd’hui que son petit frère, qui a joué au plus niveau du Championnat et pour l’équipe de France, porte aussi ce maillot. Je ne vais pas dire que mon père en a pleuré mais il était vraiment aussi très fier de moi quand il l’a appris. À la base, je ne pensais pas que c’était possible de pouvoir changer de nation et de jouer pour un autre pays. En fin de compte si. (World Rugby a assoupli les règles d’éligibilité des internationaux en 2021). Ça fait la fierté de ma famille.
Il l’annonce : son choix est définitif. Extrait:
Non, mon choix est définitif.
Il avoue être très ému d’avoir pris une telle décision. Extrait:
Bien sûr. Ce n’est pas facile parce que comme je vous le disais c’est le coeur qui parle aujourd’hui après beaucoup d’années de réflexion. Je sais que c’est un sacrifice. Je n’ai pas grand-chose à gagner. Il n’y a pas de primes. Mais je veux partager de bons moments, prendre du plaisir, y inculquer là-bas les valeurs de notre sport. Si c’est le cas, les gens s’en porteront mieux. Je veux qu’on ait une image positive du rugby malien, qu’on le regarde. Je vais parfois partir un peu loin de ma famille pour jouer quelques matches qui ne seront peut-être pas diffusés mais j’ai envie de développer le rugby malien et africain, de lui donner plus de visibilité et de dire : ”Attention ! Il y a aussi du rugby en Afrique et des bons joueurs”. On l’a déjà vu notamment avec l’Algérie et la Namibie. Peut-être qu’on verra un jour, je l’espère, le Mali, le Sénégal ou le Burkina Faso se qualifier pour la Coupe du monde.
Il précise que le niveau de rugby au Mali est très bas. Extrait:
À vrai dire, pas grand-chose. Ils n’ont pas de gros moyens financiers et de grandes infrastructures. Mais ça vaut une envie, ça vaut l’amour, ça vaut le combat, ça vaut l’apprentissage du rugby. Ça et tout ce que l’on peut apprendre en jouant au rugby.
Je pense qu’il y aura d’abord une première réunion avec les joueurs concernés pour parler du futur projet malien. Puis on verra ce qui se passera au fur et à mesure des compétitions et des matches. Il me tarde de le vivre. Il y aura forcément beaucoup d’émotions.