À quelques jours du début du Tournoi des VI Nations, Gabin Villière a rejoint Marcoussis pour préparer le premier match face au pays de Galles. Au micro de RMC Sport, il se confie sur sa saison à Toulon, ses blessures, son retour en Bleu.
Le RCT est 3e en Top 14, bien installé derrière Bordeaux et Toulouse. Comment vous sentez-vous cette année ?
On fait un beau début de saison, c’est chouette, on doit rester là-dessus. Ça va physiquement donc c’est chouette de pouvoir enchaîner.
Est-ce qu’à l’aube du tournoi, le XV de France doit avoir comme objectif de viser une victoire? Est-ce que vous avez retrouvé cette confiance et ce talent qui font de vous un favori ?
Oui, depuis les dernières années, l’équipe de France a toujours été dans les deux premières places. Avec souvent une défaite, un petit quelque chose qui fait basculer le tournoi. Mais on est proches, on l’a gagné une fois. Toutes les équipes veulent la même chose, mais on est prêts et formatés pour aller chercher des titres, gagner des gros matchs. Gagner ce Tournoi ça ferait du bien au groupe, ça permettrait d’évacuer un peu plus la Coupe du Monde, on est vraiment capables d’aller chercher des titres.
La défaite en quart de finale de Coupe du monde n’est pas totalement évacuée?
Collectivement, si, je pense que c’est évacué parce qu’on a des objectifs qui sont remis en jeu chaque saison. Dans l’équipe on n’en parle plus trop. Par contre, moi individuellement j’y pense toutes les semaines voire tous les jours, je me rends compte de la chance qu’on a pu avoir de la vivre et cette tristesse de ne pas avoir été plus loin.
Comment effacez-vous cette frustration ?
Ça se fait naturellement, ça a été évacué au fur et à mesure des jours. Au début c’était compliqué parce qu’on y pensait tout le temps, et puis ça finit par passer. Bien sûr ça reste présent, je pense à des moments qu’on a vécus, à ce qu’on aurait pu faire d’énorme. Mais on essaie de passer à autre chose parce que le rugby continue, on doit basculer sur la suite.
Vous êtes revenu de plusieurs moments compliqués, des blessures notamment. À votre sujet, Fabien Galthié a dit: “Un joueur doit être capable de traverser des moments difficiles, et c’est le cas de Gabin qui a été un exemple. Il me faut des joueurs sans état d’âme.” Cette phrase est quand même assez forte.
Je me connais, je sais que je ne lâche rien, malgré les blessures, les remises en question, j’ai le caractère. Je ne dis pas que je serai toujours le meilleur, loin de là, mais je n’abandonne pas.
Est-ce qu’il a fallu crever l’abcès avec le sélectionneur par rapport aux choix qu’il a fait pendant la Coupe du monde, le fait que vous soyez sorti de l’équipe après le deuxième match face à l’Uruguay ?
Je suis grand, je suis aussi capable de comprendre les choix. À mon poste aussi, il y a Louis Bielle-Biarrey qui est arrivé et qui était très bon. Forcément, ça a été dur, je n’ai pas le même profil que lui mais c’est à moi de me remettre en question et d’essayer de ne pas lâcher pour reprendre ma place. Et sur la dernière tournée j’ai eu la chance de jouer. C’est difficile individuellement mais je n’ai pas eu besoin qu’on m’explique quoi que ce soit ou d’avoir un tête-à-tête avec Fabien. Je suis assez mature pour comprendre la situation.
Cette tournée de novembre, ce match contre l’Argentine, le fait de revenir vous a fait du bien ?
Oui, beaucoup. J’y allais dans l’état d’esprit de jouer même si ça allait être très dur. Je voulais continuer à prendre de l’expérience, m’entraîner avec des mecs différents, pour progresser et apporter à Toulon aussi derrière. Finalement, les portes se sont ouvertes, et j’étais prêt à tout donner. C’était incroyable, j’ai vécu ce match contre les All Blacks comme une première sélection, comme un enfant. Dans ces cas-là, ça fait du bien de se rendre compte que le fait de ne pas avoir lâché finit par payer.
Vous n’avez pas un profil classique, avec ce côté gratteur, combattant, gros bosseur…
Oui, c’est vrai que je ne suis pas un mec qui va aller à 37 km/h… Je vais vite quand même hein mais je ne suis pas dans les plus rapides. Je fais avec mes qualités qui sont autres, dans le combat, les duels, les raffuts, les offloads, dans les zones de ruck. J’essaie de faire avec mes qualités et de rivaliser avec les autres joueurs sans me prendre pour un autre.
Vous n’avez pas été épargné par les blessures ces dernières saisons. Est-ce que c’est un cliché de dire que vous en êtes revenu plus fort ?
Non c’est vrai, surtout mentalement, au niveau du caractère. On grandit avec les blessures, ça nous permet d’évoluer, de prendre en maturité. Ce sont des moments où on a le temps de réfléchir, de penser à d’autres choses que le rugby. Ça me rend plus fort et ça m’aide au quotidien pour vivre des moments plus ou moins faciles.
Est-ce que vous vous êtes surpris, en remontant des pentes compliquées après certaines blessures ?
Non, je savais que j’allais le faire, parce qu’il fallait le faire, il n’y avait pas le choix. Dans ma tête, j’étais programmé pour revenir le plus tôt et le plus fort possible. Je n’ai jamais douté.
Quand on évoque vos performances avec le staff de Toulon, avec Pierre Mignoni, on sent qu’il vous protège beaucoup. Ils n’hésitent pas à vous laisser souffler, et tout semble se faire dans une super entente.
Complètement, c’est pareil pour tous les joueurs. Quand on est sur le terrain et qu’on enchaîne beaucoup de matchs, c’est dur. Et quand on est au repos le terrain nous manque. Nous, joueurs, on a du mal à gérer cette balance, à en prendre conscience. Donc le staff le fait très bien et ça nous permet d’avoir des belles périodes de récupération, d’autant qu’on a la chance au RCT, d’avoir une profondeur sur chaque poste qui nous permet de pouvoir faire tourner, d’utiliser des profils différents, avec des jeunes qui poussent derrière.
Avec cette bonne période que vous vivez dans le Var, est-ce que l’ambition de devenir champion de France devient réelle ?
Ce n’est pas plus le cas cette année que l’an dernier, où on a été capable de recevoir un quart à domicile. Mais ça ne voulait pas dire grand-chose puisqu’après une deuxième partie de saison énorme, on a chuté chez nous contre La Rochelle. C’est dur d’arriver au bout, ça se jouera dans les derniers mois. On est sur la bonne voie mais ce n’est pas parce qu’on est bien maintenant qu’on va être champions, surtout avec Toulouse et Bordeaux qui sont très forts. En revanche, c’est légitime de croire à un Top 6 pour se donner l’espoir et la chance d’aller chercher un titre.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter en 2025 avec le maillot rouge et noir ?
C’est simple, tout le monde va répondre pareil: gagner. J’ai envie de gagner les deux titres, le Top 14 et la Coupe d’Europe. Mais déjà aller chercher une finale ça serait énorme.
Et avec les Bleus ?
Je veux rester dans les clous, à tous les postes il y a du monde. Je veux être dans cette équipe, dans ce groupe élargi. Et je sais qu’il y a toujours des opportunités qui finissent par arriver.
Et ce n’est pas un cadeau non plus d’être en concurrence avec Gabin Villière…
En tout cas je donne tout au quotidien. Le but c’est montrer que rien n’est facile et qu’il ne va pas falloir lâcher le morceau. Parce que moi, je ne le lâcherai pas.
Via RMC Sport