Ce vendredi soir, Oscar Jegou et Hugo Auradou feront leur grand retour en équipe de France, pour défier le Pays-de-Galles, à l’occasion de la première journée du Tournoi des Six-Nations.
Les retours de ces deux joueurs créent forcément la polémique.
Si les deux joueurs ont été innocentés, nombreux sont ceux qui ne comprennent par leur retour si vite dans la composition des Bleus.
Interrogé via L’équipe, la psychanalyste, Sabine Callegari a donné son avis sur le sujet. Extrait:
« La complexité de ce débat c’est qu’il porte sur plusieurs dimensions. Du strict point de vue de la loi, puisque la justice a décidé d’abandonner les charges, de quel droit une autre communauté ferait-elle office de tribunal populaire ?
La dimension symbolique ? On entre là dans le registre de l’identification. Le sportif est mis en place “d’idéal du moi” : on reconnaît en lui ce qu’on voudrait être ou réaliser. La justice ne tranche pas tout ; être non coupable devant la loi et être exemplaire, c’est différent. La conduite consistant à se trouver à deux dans une chambre d’hôtel avec une fille de passage n’est pas exemplaire.
Je pense qu’il a eu une réflexion plus large, et on doit reconnaître la légitimité de ceux qui, comme Galthié, assument des fonctions de décision et prennent la lourde responsabilité de trancher. À cet égard, le sélectionneur est souverain, comme l’était Didier Deschamps quand, pendant longtemps, il a écarté Karim Benzema. Tout le monde n’a pas le même point de vue et c’est en les considérant tous, au cas par cas, qu’on évite la pensée binaire et qu’on garde notre humanité. »
Avocate au barreau des Hauts-de-Seine, Me Camille Martini, estime que les retours de Jegou et Auradou sont prématurés. Extrait:
« D’un point de vue strictement judiciaire, il n’y a en effet pas d’obstacle à une reprise d’activité, ni même à une sélection. Ils ont été autorisés à retourner en France, il n’y a pas de contrainte particulière.
Quand il s’agit d’être sélectionné pour une représentation nationale par la FFR qui dispose d’une délégation de services publics et qui, à ce titre, doit au moins être soucieuse du respect des procédures judiciaires.
Les poursuites pourraient continuer, avec des interrogatoires, des convocations, des audiences, et pourquoi pas des condamnations ? Donc cette sélection, c’est quand même envoyer un signal fort à la justice argentine et à la plaignante qu’on ne se soucie pas des suites de ce processus judiciaire. »
Professeur d’éthique et de philosophie politique à l’université de Grenoble, Thierry Ménissier estime que Jegou et Auradou n’ont rien à faire en équipe de France. Extrait:
« Je ne vois rien qui justifie leur sélection d’un point de vue éthique ; ces gens n’ont pas donné le bon exemple vis-à-vis du maillot qu’ils portent. Dans cette affaire, qu’il y ait eu violence ou pas, il y a eu une forme d’inconduite vis-à-vis de cette femme et, pour un sélectionneur, pour un président de Fédération, cette inconduite devrait poser problème. C’est insuffisant de s’en tenir à la justice. »
Lionel Maltese, maître de conférences à l’université Aix-Marseille spécialisé dans l’économie du sport évoque de son côté une précipitation qu’il ne comprend absolument pas. Extrait:
« Bien sûr, s’agissant de la sélection de ces joueurs, un risque est pris. Mais une fédération aussi importante que la FFR est bien conseillée et sait où elle va. Cela n’affectera pas la réputation de l’équipe de France si les dirigeants, coaches, managers, sont transparents dans leurs décisions et sont sûrs d’eux, et si derrière, la dimension sportive est au rendez-vous.
Le rappel des deux jeunes joueurs est un mystère ; il y a une précipitation que je ne m’explique pas. Il y a un appel en cours, la société va plutôt mal et il importe que le sport soit exemplaire. Il y a des violences sexuelles et sexistes partout, au travail, à l’école, dans les clubs… Le rugby pouvait envoyer un message, au lieu de cela, on a l’impression qu’il se protège. »